Périlleux exercice de style pour Gustavo Dudamel et l’Orchestre de l’Opéra de Paris
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 8-IV-2023. Olivier Messiaen (1908-1992) : Un Sourire ; Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n° 82 en ut majeur dite « L’Ours » ; Maurice Ravel (1875-1937) : Ma mère l’Oye ; Richard Strauss (1864-1949) : Le Chevalier à la rose, grande suite orchestrale. Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction : Gustavo Dudamel
Pour cette sortie hors des murs, l'Orchestre de l'Opéra national de Paris et son directeur musical, Gustavo Dudamel se livrent à un exercice de style périlleux dans un programme éclectique – et audacieux – associant Messiaen, Haydn, Ravel et Richard Strauss.
Passer lors du temps d'un concert, des douces sonorités d'Un Sourire de Messiaen, à l'élégante et vigoureuse rusticité de L'Ours de Haydn, en passant par la délicate poésie enfantine de la Mère l'Oye de Ravel, pour finir par la sensualité capiteuse du Chevalier à la rose de Richard Strauss, voilà qui relève de la plus insouciante gageure, et pourtant…
Un Sourire d'Olivier Messiaen ouvre la soirée : courte pièce orchestrale composée en 1989 qui rend un double hommage à Mozart et à la mère du compositeur, la poétesse Cécile Sauvage. Gustavo Dudamel, qu'on n'attendait pas dans ce répertoire, en donne une interprétation très convaincante empreinte d'une suave douceur où alternent les assauts virulents des percussions au sein du statisme méditatif des cordes. On y admire d'emblée, tout à la fois, la précision de la direction, la clarté de la texture et la superbe sonorité de l'orchestre.
Tout autre climat pour la Symphonie n° 82 dite « L'Ours » de Joseph Haydn. Composée en 1786, elle se distingue des autres symphonies parisiennes par son instrumentarium faisant appel aux trompettes et aux timbales. Là encore Dudamel nous en livre une lecture d'une rare pertinence, haletante, d'une énergie bondissante sans toutefois en sacrifier l'élégance, le caractère dansant et le cantabile. On y apprécie la richesse en nuances, les contrastes dynamiques, la fluidité du phrasé, autant que la rigueur rythmique et les performances solistiques de haute volée tous pupitres confondus.
Après la pause, Ma Mère l'Oye (1911) de Maurice Ravel nous plonge dans le monde merveilleux des contes enfantins. Musique d'une exquise délicatesse et d'une intense poésie qui agence comme dans un rêve les histoires du Petit Poucet, de la Belle au bois dormant, de Laideronnette, et de la Belle et la Bête, disparate succession couronnée par les splendeurs du Jardin féérique. Gustavo Dudamel s'attache, ici, par l'acuité de sa direction à en exalter toute la fraicheur et toute l'expressivité dans une véritable féérie de timbres. La Pavane de la Belle au bois dormant pose le décor mystérieux par son tempo lent, peuplé de mille bruissements entretenant le climat nocturne (petite harmonie, harpe, appels de cor) ; Plus tendu et hésitant le Petit Poucet fait la part belle aux bois et tout particulièrement au cor anglais qui se déploie sur un tapis de cordes dont on applaudit la sonorité soyeuse et le sublime legato ; Très animée Laideronnette étale avec délice, dans une verve réjouissante, ses sonorités orientalisantes très colorées (flute, cor anglais, xylophone, harpe, célesta et percussions) ; La Belle et la Bête entrelacent le temps d'une danse de plus en plus heurtée, le chant enchanteur de la clarinette et les supplications grotesques du contrebasson avant qu'un glissando de harpe ne mette fin au sortilège ; Le Jardin féérique, où se retrouvent Prince et Princesse, referme ce rêve musical sur l'effusion lyrique des cordes agrémentée d'un surprenant dialogue entre violon solo et harpe avant qu'un puissant crescendo ne marque la fin de ce splendide voyage au pays de l'enfance.
A l'opposé de ce pays rêvé, c'est à la nostalgie du temps qui passe que nous convie Gustavo Dudamel avec la grande Suite orchestrale du Chevalier à la rose de Richard Strauss (1945). Recrutant toutes les forces orchestrales, Dudamel nous en brosse un tableau d'une belle ampleur sonore, image de la Vienne impériale, à la fois colorée, décadente, sophistiquée, sentimentale et vénéneusement sensuelle qui séduit par son lyrisme (hautbois), par ses nuances rythmiques et dynamiques, par la joie insouciante et enivrante de sa valse comme par l'émotion prégnante de son renoncement final.
C'est avec brio que Gustavo Dudamel réussit son pari, soutenu par un Orchestre de l'Opéra de Paris éclatant de couleurs et totalement acquis à son nouveau directeur musical.
Un concert conclu par une longue, très longue standing ovation bien méritée, qui augure favorablement de la collaboration prolongée entre Gustavo Dudamel et la prestigieuse phalange de l'Opéra de Paris.
Crédit photographique : © Julien Mignot
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 8-IV-2023. Olivier Messiaen (1908-1992) : Un Sourire ; Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n° 82 en ut majeur dite « L’Ours » ; Maurice Ravel (1875-1937) : Ma mère l’Oye ; Richard Strauss (1864-1949) : Le Chevalier à la rose, grande suite orchestrale. Orchestre de l’Opéra national de Paris, direction : Gustavo Dudamel