Herbert Blomstedt et l’Orchestre de Paris : l’Alpha et l’Omega schubertiens
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 6-IV-2023. Franz Schubert (1797-1828) : Symphonie n° 1 en ré majeur ; Symphonie n° 9 en ut majeur dite « la Grande ». Orchestre de Paris, direction : Herbert Blomstedt
Pour son traditionnel passage à la tête de l'Orchestre de Paris, Herbert Blomstedt, doyen des chefs d'orchestre actuellement en activité, retrace en raccourci l'itinéraire symphonique de Franz Schubert dans une saisissante mise en miroir de la juvénile Symphonie n° 1 et de la monumentale Symphonie n° 9, la dernière achevée : un véritable hymne à la vie !
Ce concert conçu comme un hommage à Schubert est aussi l'occasion pour le public parisien de témoigner de son admiration respectueuse pour Herbert Blomstedt à l'issue d'une immense carrière débutée il y a près de 70 ans : premier concert en 1954 avec le Philharmonique de Stockholm, puis direction musicale des plus prestigieuses phalanges symphoniques (Staatskapelle de Dresde, Symphonique de San Francisco, Gewandhausorchester de Leipzig) sans oublier une exceptionnelle activité de chef invité. (Vienne, Berlin…)
Si la Symphonie n° 1, composée à l'âge de seize ans par un compositeur en apprentissage sous la houlette de Salieri, regarde encore vers Haydn et Mozart, en revanche la monumentale et quasi testamentaire Symphonie n° 9 signe l'aboutissement du génie schubertien dans la maitrise de la grande forme, surpassant Beethoven pour annoncer Bruckner par son ampleur et ses fanfares de cuivres.
Arrivé à petits pas dans une démarche bringuebalante, soutenu par le premier violon, Herbert Blomstedt s'installe au pupitre avec un grand sourire pour diriger la Symphonie n° 1. Composée en 1813, quelque peu scolaire et passéiste, elle est l'aboutissement d'un travail de deux ans avec Salieri. Herbert Blomstedt nous en livre une interprétation éminemment classique, soignée et élégante, laissant chanter l'orchestre avec la complicité attentive du premier violon invité (Ji-Yoon Park). Le premier mouvement Allegro instaure un beau dialogue entre cordes et vents (basson) sur un phrasé aux appuis rythmiques bien marqués hésitant entre solennité et allégresse conquérante ; l'Andante en demi-teinte fait la part belle à la petite harmonie, tout particulièrement à la cantilène rêveuse et poétique du hautbois sur un tapis de cordes bien chantantes ; le Menuet marque son ancrage dans la tradition par sa mélodie fraiche et souriante (basson) et son Trio aux allures de danse populaire joliment colorée par les appels des bois ; l'Allegro final porté par une énergie triomphante (tutti) rappelle Beethoven et conclut cette belle interprétation manquant toutefois d'un peu d'allégria.
Après la pause, la Symphonie n° 9 fournit à Herbert Blomstedt une belle occasion de faire montre de sa prodigieuse maestria dans la direction de l'orchestre, au prix d'une formidable économie de moyens. Si sa genèse reste mystérieuse remontant à 1825, probablement achevée en 1828 quelques mois avant sa mort, cette ultime symphonie est une œuvre monumentale, usant des seules ressources orchestrales tout en s'inscrivant dans la cadre de quatre mouvements, dont Herbert Blomstedt nous donne ce soir une interprétation éblouissante de vigueur, de précision et de clarté, soutenue par la complicité et l'adhésion sans faille de la phalange parisienne. Introduit par un appel de cors, le premier mouvement impressionne d'emblée par la solennité et la justesse des cuivres (cors et trombones) comme par la cantilène du hautbois et l'implication des cordes dans un dialogue serré avec la petite harmonie. Le chef suédois y maintient une progression tendue et dynamique, riche en contraste avec force nuances rythmiques et dynamiques. L'Andante initié par des contrebasses vrombissantes séduit par sa rythmique obstinée alternant des épisodes lyriques (hautbois solo, cordes graves) et des séquences au dramatisme marqué (cuivres). Dans le Scherzo, Herbert Blomstedt force une fois encore l'admiration par l'équilibre des pupitres dans une marche énergique et entrainante qui fait contraste avec un trio nostalgique superbement négocié. Tout imprégné d'attente et d'urgence l'Allegro final puissant nous entraine inexorablement dans sa progression envoûtante recrutant tous les pupitres avant que la coda gigantesque ne marque l'apothéose de cette interprétation magistrale !
Crédit photographique : © Martin Lengemann
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 6-IV-2023. Franz Schubert (1797-1828) : Symphonie n° 1 en ré majeur ; Symphonie n° 9 en ut majeur dite « la Grande ». Orchestre de Paris, direction : Herbert Blomstedt