Des costumes à la scène au CNCS de Moulins

Le Centre national du costume de scène à Moulins ouvre un nouvel espace consacré à la scénographie théâtrale, en plus de nouvelles réserves, dans un bâtiment entièrement rénové.

Depuis 2020, le CNCS a engagé les travaux de rénovation d'un ancien bâtiment de 1848 sur son site du Quartier Villars. Anciennement caserne de cavalerie, puis occupés par les gendarmes, les lieux servaient depuis de réserve d'appoint au Centre. Après des mois de travaux menés par l'équipe d'architectes et scénographes des Ateliers Adeline Rispal, ce nouveau lieu spectaculaire ouvre ses portes au public ce week-end, apportant un contrepoint aux espaces consacrés aux costumes de scène avec les expositions temporaires (depuis 2006) et l'espace permanent dédié à la collection Noureev (depuis 2013). Pour Jean-Luc Choplin, le président du conseil d'administration, le Centre peut à présent marcher sur ses deux jambes.

On pénètre dans le nouveau bâtiment par une grande entrée contemporaine en zinc, comme pour mieux se plonger dans un univers hors du temps. L'intérieur a été entièrement évidé, une nouvelle structure spéciale mise en place. Cela n'empêche pas la rénovation d'avoir été menée dans les règles de l'art afin de retrouver l'authenticité des matériaux, l'esprit des lieux avec restauration des fenêtres, peinture à la chaux, travail sur les volumes… Le bâtiment retrouve sa grandeur perdue, sa luminosité. Cette fois, qqil ne s'agit plus d'abriter des écuries mais de présenter le travail de scénographie qui aboutit aux décors de scène, puis à la magie du spectacle.

Ce nouvel espace « La Scène » donne à voir la scénographie de Cyrano de Bergerac, le premier spectacle d'Éric Ruf à la Comédie Française en 2006, mis en scène par Denis Podalydès. Cette installation devrait rester en place pour un an au minimum, avant d'être remplacée par une autre. Afin d'appréhender l'envers du décor, l'exposition se divise en quatre parties se voulant comme un prologue et trois actes. Un premier espace projette des vidéos d'interviews de scénographes évoquant la traduction scénographique du texte, à la base de tout. Puis dans « l'acte I » est présenté le travail du scénographe en dialogue avec le metteur en scène. Ce moment où tout l'enjeu est de ne pas perdre l'émotion en confiant ses idées à des experts techniques. Des exemples de maquettes de décors (1/33^e) sont présentés, sous une petite vitrine on trouve même le carnet de croquis d'Eric Ruf, son facsimilé à côté peut être feuilleté. L'espace avec ses bancs et ses tables en bois légères et modulables veut restituer cette ambiance de travail créatif. Des esquisses, des plans et autres documents viennent expliquer les étapes d'élaboration à ce premier stade. Dix maquettes de décors d'Hamlet, dix visions différentes sont exposées, parmi elles celle de Patrice Chéreau et Richard Peduzzi pour Avignon en 1988 et celle de Jean-Baptiste Lavastre à la Comédie Française en 1886. En face, d'autres maquettes, non pas de décors, mais de salles de spectacle permettent de visualiser en 3D l'histoire de l'architecture théâtrale (Epidaure, Farnèse, Odéon…).

L'acte II est consacré à la fabrication par les ateliers de décors, quand le projet artistique prend forme et se concrétise sous des mains expertes. Une multitude d'accessoires issus de la pièce de théâtre sont suspendus de part et d'autre et mettent en valeur la hauteur sous plafond : objets, outils, vaisselle, sculptures, gâteaux, poulets et même un sanglier et un cerf grandeur nature forment deux murs singuliers et poétiques. Différentes vidéos présentent les métiers du spectacle, tandis qu'exemples à l'appui, les savoirs-faire sont dévoilés (attaches « sauterelles », nœuds à l'allemande, peintures…). L'ensemble est dominé par de grands rouleaux de toile de décors.

Au fond, place à la représentation sous la cage de scène. Le décor de la pièce de théâtre (l'espace est à peu près le même que celui de la Comédie Française) attire l'œil et la curiosité du visiteur. Un grand rideau de velours noir l'encadre comme au théâtre. Il est possible de tourner autour, d'aller derrière jusque dans les coulisses pour y découvrir comme en vrai les autres décors stockés. Dans cet acte III, un parcours sonore continue à faire découvrir les petits trucs et le vocabulaire technique des métiers de la scène, tandis qu'on peut prendre la mesure du travail accompli depuis les prémices de la création.

Le bâtiment étant immense, la rénovation a permis également d'ouvrir de nouvelles réserves (1300 m2). Elles viennent compléter celles construites par Jean-Michel Wilmotte en 2006 à l'ouverture du Centre et sont destinées à accueillir les nouveaux dons ou acquisitions pour 15 à 20 ans environ, à raison de 100 à 150 costumes par an. Ces collections patrimoniales textiles particulièrement fragiles bénéficieront d'équipements innovants pour leur conservation.

Jusqu'à la fin du mois d'avril, il est possible de visiter dans le bâtiment principal datant du XVIIIe siècle (classé monument historique avec son escalier monumental), la surprenante exposition « Danser la scène » consacrée au Ballet national de Marseille dirigé depuis 2019 par le collectif (La) Horde et à ses « pratiques artistiques décloisonnées ». Photographies et vidéos côtoient des installations présentant sur des mannequins 130 costumes de spectacles retraçant 50 ans de collaborations avec des couturiers et designers (Saint-Laurent, Versace, etc.) le tout dans des mises en scène saisissantes surgies de la pénombre, avec parfois un décor de pièce (Room with a view). Fin mai, une prochaine exposition temporaire lui succèdera : « La marionnette, Instrument pour la scène ».

Crédits photographiques : Photo de Une Éléments de décors de Cyrano de Bergerac , Comédie-Française, Paris, 2006. © Nicolas Anglade ; Le bâtiment réhabilité sur le site du CNCS © Joël Bonnard – ATELIERS ADELINE RISPAL, architectes scénographes ; Détail du décor de Cyrano de Bergerac par Eric Ruf, Comédie-Française, Paris, 2006. © Nicolas Anglade