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Dans Werther à Athènes, une prise de rôle attendue d’Anita Rachvelishvili

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Athènes. Opéra national de Grèce. 23-III-2023. Jules Massenet (1842-1912) : Werther, drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux sur un livret d’Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann. Mise en scène : Spýros Evangelátos. Décors et costumes : George Patsas. Lumières : Melina Mascha. Vidéos : Eirini Vianelli / Four Doors. Avec : Francesco Demuro, Werther ; Nikos Kotenidis, Albert ; Yanni Yannissis, le Bailli ; Nicolas Maraziotis, Schmidt ; Marinos Tarnanas, Johann ; Ioannis Kontellis, Brühlmann ; Anita Rachvelishvili, Charlotte ; Chrissa Maliamani, Sophie ; Emily Tsimidaki, Kätchen. Chœur d’enfants de l’Opéra National de Grèce (cheffe de chœur : Konstantina Pitsiakou). Orchestre de l’Opéra National de Grèce, direction : Jacques Lacombe

Afin de s'affirmer sur la scène lyrique internationale, l'Opéra national de Grèce parie pour cette reprise de Werther sur la prise de rôle d' dans la peau de Charlotte, soutenue par le ténor italien dans le rôle-titre et le chef d'orchestre canadien en fosse.


Pour le reste, ce sont entièrement les protagonistes passés et présents de la culture contemporaine hellénique qui ont été choisis, avec un metteur en scène () et un costumier (George Patsas) de premier plan, et une distribution vocale intégralement locale.

Présentée pour la première fois en 2014 au Théâtre Olympia, cette mise en scène fut la dernière réalisée par avant sa mort en janvier 2017. On retrouve beaucoup des codes de la célèbre mise en scène de Willy Decker tels que le minimalisme du plateau (les voix s'y perdant presque) lié à la force de l'économie de moyens caractérisant l'ouvrage de Massenet ; le décor unique tout en angle et en murs, ici en lignes de fuite pour mettre en avant les atmosphères mises en vidéos par l'Athénienne Eirini Viabelli (évoquant les codes du cinéma avec un générique au prélude, univers dont vient initialement) ; et l'importance des accessoires (on retrouve même les petites maisonnettes de la même couleur que les célèbres villages des Cyclades).

Pour que le récit fonctionne, l'intériorité de l'interprétation doit être à son meilleur. De fait, une direction d'acteurs réglée au cordeau est nécessaire. Le travail d'Ion Kessoulis qui avait pour mission de faire revivre cette approche, se révèle assez classique, ne cherchant ni à faire jaillir une certaine profondeur des sensibilités déployées, ni à caractériser les personnages par le biais d'une performance théâtrale marquante des chanteurs. Sans une réflexion particulière sur la question, les interprètes sont contraints d'utiliser d'autres atouts plus personnels pour faire vibrer la salle de l'Opéra national de Grèce.

Mais malheureusement, deux constats dominent la prestation de l'ensemble du plateau « secondaire » : un texte souvent incompréhensible et une approche monochrome des personnages. Le timbre de est séduisant pour traduire l'espièglerie de Sophie ; le travail de style de l'opéra français est soigné pour l'Albert du baryton se limitant à la douceur d'un mari attentionné ; la projection du chant de est rayonnante pour affirmer la constance du Bailli ; la conviction de (Schmidt) de (Brühlmann) et d' (Kätchen) complètent cette distribution homogène qui aurait mérité une préparation plus aboutie pour remporter le challenge de la mise en scène où ils évoluent. La clarté vocale du chœur d'enfants matérialise enfin une pureté qui a probablement difficilement atteint les spectateurs les plus éloignés de la scène.

Apogée de sa prestation, (Werther) donne un intérêt certain au charme romantique du fameux lied d'Ossian grâce à la qualité de sa diction française, de son timbre lumineux, de l'allégement de son émission au service de la poésie, et de son interprétation dramatique. Mais cette stratégie ne fait pas oublier une ligne de chant particulièrement malmenée tout au long de ses autres interventions et une évolution psychologique de son personnage basée sur une palette dynamique qui devrait encore s'enrichir dans ce rôle.


La surprise est plus grande face à la prestation de la grande star de la soirée, largement reconnue pour son incarnation vibrante de Carmen dont elle est devenue une référence. Alors que pour cette prise de rôle, son niveau de diction est étonnamment égal aux autres artistes qui l'accompagnent, soit très en deçà de ce que l'on est en droit d'attendre au regard de la carrière de cette artiste d'envergure internationale. Mais il est vrai que la torrentielle Carmen n'exprime pas ses émotions comme la douce Charlotte résignée dans les normes sociales de son monde. détient assurément le charisme, l'élégance et la beauté d'une grande tragédienne. Mais ce soir sa Charlotte ne s'approprie ni l'épaisseur des traits, ni l'intensité progressive des sentiments de l'héroïne pour arriver à tenir en haleine le public pourtant ravi de la retrouver dans ce Théâtre.

En fosse, face à l'Orchestre de l'Opéra National de Grèce, déploie une lecture onctueuse, sans se complaire dans un pathos naïf inutile, permettant ainsi de faire ressortir les contrastes et les changements d'atmosphère. Le chef d'orchestre fait montre tout au long de la représentation d'une attention bienveillante envers les artistes sur scène, trouvant un équilibre de bon aloi entre les instrumentistes et les chanteurs malgré le vide du décor sur le plateau.

Crédits photographiques : © Valeria Isaeva

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Athènes. Opéra national de Grèce. 23-III-2023. Jules Massenet (1842-1912) : Werther, drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux sur un livret d’Edouard Blau, Paul Milliet et Georges Hartmann. Mise en scène : Spýros Evangelátos. Décors et costumes : George Patsas. Lumières : Melina Mascha. Vidéos : Eirini Vianelli / Four Doors. Avec : Francesco Demuro, Werther ; Nikos Kotenidis, Albert ; Yanni Yannissis, le Bailli ; Nicolas Maraziotis, Schmidt ; Marinos Tarnanas, Johann ; Ioannis Kontellis, Brühlmann ; Anita Rachvelishvili, Charlotte ; Chrissa Maliamani, Sophie ; Emily Tsimidaki, Kätchen. Chœur d’enfants de l’Opéra National de Grèce (cheffe de chœur : Konstantina Pitsiakou). Orchestre de l’Opéra National de Grèce, direction : Jacques Lacombe

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