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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 22-III-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1971) : Così fan tutte, ossia la scuola degli amanti K588, opera buffa en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Salomé Im Hof. Avec Julia Lezhneva, soprano (Fiordiligi) ; Emőke Baráth, soprano (Dorabella) ; Sandrine Piau, soprano (Despina) ; Alasdair Kent, ténor (Ferrando) ; Tommaso Barea, baryton (Guglielmo) ; Konstantin Wolff, baryton-basse (Don Alfonso). Basler Madrigalisten. Kammerorchester Basel, direction : Giovanni Antonini
Formidablement bien dirigé par Giovanni Antonini à la tête de son Kammerorchester Basel, Così fan tutte déçoit à la fois par une mise en espace non aboutie, et par une distribution compétente mais mal assortie.
Une fois encore, la question de l'opéra donné en concert, avec décor minimaliste et dans ce qui relève davantage d'une mise en espace que d'une mise en scène à proprement parler, pose question. D'évidence, à en croire la maladresse avec laquelle différents objets sont manipulés, les répétitions n'ont pas dû être nombreuses. Certains gestes et déplacements demeurent ainsi approximatifs : chanteurs qui trébuchent sur des éléments de décor, objets qui tombent, accessoires mal placés, etc. Les rares idées de ce concept petit format sont dans l'ensemble simplistes et réductrices, comme par exemple celle de la couleur des costumes des quatre amants, qui signale dès le départ que Ferrando est davantage assorti à Fiordiligi, et Dorabella à Guglielmo. Élémentaire, mon cher Watson ! Le gag du selfie auquel ne cessent de se prêter les protagonistes, pour séduisant qu'il puisse paraître en début de soirée, finit par être lassant. L'impression générale, en tout cas, est celle d'un spectacle au rabais, impression qu'une vraie version de concert n'aurait sans doute pas laissée.
On pardonnerait à la rigueur le manque de préparation de la mise en espace, s'il ne touchait pas également la partie musicale. Fort heureusement, on ne peut que s'émerveiller de la cohérence de la partie instrumentale et du travail vivifiant et stimulant exercé sur les différents timbres de l'orchestre et sur la dynamique de la conception générale. Mais Così fan tutte n'est pas un concerto pour vents, et force est de constater que sur le plan strictement vocal la mayonnaise ne prend pas, indépendamment de la performance individuelle de chacun des interprètes. Drôle d'idée, d'ailleurs, que de distribuer les trois rôles féminins à trois sopranos poids plume parfaitement interchangeables. Du coup, seule Sandrine Piau domine véritablement son rôle, faisant de sa Despina un petit chef d'œuvre de drôlerie théâtrale et d'imagination musicale, même si l'interprète a mis un certain temps à trouver ses marques dans le concept général. La soprano Emőke Baráth, bien connue du public friand de baroque, est quant à elle une Dorabella juvénile et plutôt bien chantante, mais qui n'affiche en rien une couleur vocale déterminée. Un personnage peu marquant sur le plan musical, qui essaie de compenser par quelques grimaces et mimiques théâtrales l'absence criante de personnalité. Le cas de Julia Lezhneva, dont on connaît les extraordinaires réussites dans l'opéra baroque des premières décennies du XVIIIᵉ siècle, est plus problématique encore. Clairement, elle ne dispose pas de la voix de Fiordigili – véritable colorature dramatique –, et les redoutables graves des deux airs lui échappent totalement. Certes, l'instrument a pris un peu de corps dans l'aigu, mais certaines notes tubées et forcées sont émises avec des colorations métalliques désagréables à l'oreille. Les inutiles trilles, broderies, ornements et autres décorations dont elle pare le sublime « Per pietà » cassent une ligne dont cette sympathique artiste, visiblement, ne veut pas ou n'est pas capable. Une manière de chanter, en tout cas, en réel décrochage avec celle des autres personnages, et au premier chef avec celle de son Ferrando, le ténor Alasdair Kent. Doté d'un ténor idéal pour Mozart et Rossini, c'est à lui que nous devons le seul véritable moment d'émotion de la soirée, grâce à un « Un aura amorosa » stylé et délicieusement vibré. À ses côtés, le baryton Tommaso Barea est un valeureux Guglielmo, que son instrument chaud et puissant semble prédestiner aux grands emplois verdiens et pucciniens davantage qu'aux rôles mozartiens dont il se tire, à en croire sa prestation de ce soir, avec tous les honneurs. Le baryton-basse Konstantin Wolff aurait davantage le profil vocal d'un excellent chanteur de lieder, ce qui nous vaut une lecture mettant particulièrement en valeur le texte. Cela paraît tout à fait approprié à Don Alfonso, personnage qui tire les ficelles d'une action dont il est à la fois le spectateur et l'orchestrateur. Sur ce point la mise en scène, qui le montrait en position de surplomb derrière le chœur et l'orchestre, a su se montrer plutôt efficace.
Crédit photographique : Sandrine Piau © Sandrine Expilly / Naïve
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Luxembourg. Grand Auditorium de la Philharmonie. 22-III-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1971) : Così fan tutte, ossia la scuola degli amanti K588, opera buffa en deux actes sur un livret de Lorenzo Da Ponte. Mise en scène : Salomé Im Hof. Avec Julia Lezhneva, soprano (Fiordiligi) ; Emőke Baráth, soprano (Dorabella) ; Sandrine Piau, soprano (Despina) ; Alasdair Kent, ténor (Ferrando) ; Tommaso Barea, baryton (Guglielmo) ; Konstantin Wolff, baryton-basse (Don Alfonso). Basler Madrigalisten. Kammerorchester Basel, direction : Giovanni Antonini