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Leoš Janáček (1854-11928) : Káťa Kabanová, opéra en trois actes d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski. Mise en scène : Jossi Wieler, Sergio Morabito ; décor : Bert Neumann ; costumes : Nina von Mechow. Avec Patrick Zielke (Dikoj), Elmar Gilbertsson (Boris), Maria Riccarda Wesseling (Kabanicha), Rainer Trost (Tichon), Corinne Winters (Katia), Kai Kluge (Kudrjáš), Ida Ränzlöv (Varvara), Torsten Hofmann (Kuligin)… Chœur de l’Opéra de Stuttgart ; Orchestre national de Stuttgart ; direction : Tito Ceccherini.
L'interprète idéale renouvelle le rôle dans la sombre perspective de Jossi Wieler.
Et de trois ! En moins d'un an, et en attendant Lyon dans quelques semaines, voici la troisième production de Káťa Kabanová à afficher la même chanteuse, Corinne Winters, dans le rôle-titre, après Salzbourg et Genève, avec des critiques à chaque fois enthousiastes.
De ces trois incarnations, celle que lui propose la mise en scène de Jossi Wieler et Sergio Morabito est certainement la moins libre : dans le conformisme étouffant de la famille Kabanov, cette Káťa-ci ne parvient pas à sauvegarder sa liberté intérieure. Au premier acte, on voit la famille sortir de la messe : Varvara retire tout de suite son costume folklorique pour redevenir l'adolescente d'aujourd'hui qu'elle est, pas Káťa qui reste enfermée dans la tradition, à l'égal pour cette scène du moins de sa belle-mère. Le moment le plus lumineux de cette œuvre sombre est sans nul doute la scène où Káťa raconte à Varvara son enfance libre et heureuse : la mise en scène de Kosky à Salzbourg en faisait un moment suspendu de respiration, celle-ci montre au contraire combien le souvenir de ce paradis perdu fait souffrir Káťa – la fin tragique de l'opéra est déjà là. Corinne Winters met toute son expérience du rôle et se montre aussi à l'aise dans cette vision que dans celle de Kosky, ce qui n'est pas peu dire.
Treize ans après sa création, la mise en scène de Wieler et Morabito conserve une grande force émotionnelle tirée d'abord de sa direction d'acteurs et d'une analyse poussée des personnages et du sens de l'œuvre. Elle permet aussi de revoir un décor de Bert Neumann, un des plus importants décorateurs des années 90 aux années 2010, décédé en 2015 : derrière cette barrière qui sépare le jardin des Kabanov de la rue comme elle clôt leur monde étriqué en le coupant du vaste monde, un grand rideau noir est à peine visible, au contraire d'un panneau publicitaire montrant deux hommes se baignant dans un fleuve – c'est tout ce qu'on verra de la belle Volga que vante un des personnages au début de l'opéra. Au revers de ce panneau, Neumann avait reproduit une gravure représentant les damnés d'un jugement dernier, comme la peinture que décrit Kuligin au début du IIIe acte : c'est sous ce regard terrible que Káťa se livre à ses remords.
Sa fragilité crée un contraste particulièrement saisissant avec sa belle-mère, chantée avec un appétit d'ogresse par Maria-Riccarda Wesseling : sa scène de libertinage avec Dikoj (Patrick Zielke) n'est pas la débauche fatiguée de deux hypocrites sur le retour, mais un vrai moment de plaisir, qui rend l'ordre moral qu'ils imposent à la jeune génération d'autant plus insupportable. Rainer Trost en devient presque sympathique dans le rôle du mari incapable, et on croirait presque à sa bonne volonté ; Ida Ränlöv fait de Varvara une jeune femme moderne, déterminée et consciente de sa valeur ; le couple qu'elle forme avec le Kudrjáš de Kai Kluge, très séduisant, en devient un modèle que Káťa pourrait imiter avec Boris (Elmar Gilbertsson) sans le poids de la contrainte morale intérieure. Dommage que la fosse ne soit pas tout à fait à la hauteur de cette belle distribution : Tito Ceccherini ne parvient pas à faire de l'orchestre l'indispensable partenaire des personnages, et le soutien reste souvent trop discret, trop peu riche en couleurs.
Crédit photographique: © Martin Sigmund.
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Leoš Janáček (1854-11928) : Káťa Kabanová, opéra en trois actes d’après L’Orage d’Alexandre Ostrovski. Mise en scène : Jossi Wieler, Sergio Morabito ; décor : Bert Neumann ; costumes : Nina von Mechow. Avec Patrick Zielke (Dikoj), Elmar Gilbertsson (Boris), Maria Riccarda Wesseling (Kabanicha), Rainer Trost (Tichon), Corinne Winters (Katia), Kai Kluge (Kudrjáš), Ida Ränzlöv (Varvara), Torsten Hofmann (Kuligin)… Chœur de l’Opéra de Stuttgart ; Orchestre national de Stuttgart ; direction : Tito Ceccherini.