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Stuttgart. Opernhaus. 12-III-2023. Richard Wagner (1813-1883) : Götterdämmerung (Le Crépuscule des dieux), troisième journée de L’Anneau du Nibelung. Mise en scène : Marco Štorman ; décor : Demian Wohler ; costumes : Sara Schwartz. Avec Nicole Piccolomini, Ida Ränzlöv, Betsy Horne (Nornes) ; Christiane Libor (Brünnhilde) ; Daniel Kirch (Siegfried) ; Patrick Zielke (Hagen, Alberich) ; Shigeo Ishino (Gunther) ; Esther Dierkes (Gutrune) ; Stine Marie Fischer (Waltraute) ; Eliza Boom, Linsey Coppens, Martina Mikelić (Filles du Rhin). Chœur de l’Opéra de Stuttgart ; Staatsorchester Stuttgart, direction : Cornelius Meister
Le metteur en scène Marco Štorman livre le spectacle le plus faible d'un Ring composite et inégal, amorcé à Stuttgart en 2021.
Musicalement, le Crépuscule appartient à la maturité de Wagner, mais il se fonde sur un livret qui, lui, porte bien la marque de sa conception précoce, dans la continuité de Tannhäuser et de Lohengrin : les vassaux du Brabant et les vassaux des Gibichungen sont parents, et la comédie matrimoniale de Gunther et Gutrune n'a pas franchement la même tenue que les amours de Tristan et d'Isolde. Les hideuses peintures d'un obscur illustrateur des romans d'aventure de Karl May que les personnages déplacent régulièrement, avec leurs risibles poses héroïques, se font ici l'instrument d'une satire : Marco Štorman ne croit pas aux héros, et il a bien raison.
Son Siegfried suractif ne comprend rien mais aime se montrer, souriant et inepte, et Daniel Kirch lui donne une légèreté amusante qui ne masque que partiellement les limites de sa voix pour ce rôle terrible (on souffre particulièrement pendant son grand récit de l'acte III). Chanté avec élégance et conviction par Shigeo Ishino, Gunther semble quant à lui écrasé par la conscience de sa médiocrité, ou par une migraine persistante. Les tresses blondes de sa sœur (Esther Dierkes), raides et bizarrement disposées en triangle, en font une sorte de Gretchen décadente… On n'en est plus au temps où on montait la colline verte à genoux, en un culte mal venu ; cet humour fait du bien, a fortiori dans ce dernier volet qui peut facilement devenir sinistre – le sommet est peut-être l'étonnant numéro de Patrick Zielke, qui chante à la fois Hagen et Alberich et parvient, tout en le réinventant par l'humour, à conserver à leur dialogue fantomatique au début de l'acte II une force inquiétante. Mais cela ne fait pas une mise en scène, surtout si son effet est écrasé par un décor particulièrement pesant. Le cœur du plateau est occupé par une grande structure tournante dont l'essentiel représente le palais des Gibichungen, sorte d'amphithéâtre avec un escalier de béton brut dominé par un vitrail moderne et une sorte de salle de réunion lambrissée très années 1970 ; les vassaux y trouvent place en une sorte d'amphithéâtre, et on le voit par moments de l'arrière. Ce décor pesant finit par incarner la pesanteur de la soirée : une fois le charme du regard satirique un peu éventé, on finit par se demander quel intérêt le metteur en scène trouve à l'œuvre, dont il n'aborde jamais les enjeux. Les apparitions de la structure de bois mêlée de textile qui matérialise dans le prologue le fil du destin que tissent les Nornes, rappelant aux personnages le poids d'un sort collectif qui les dépasse, tout comme les jeunes filles qui incarnent le renouveau à la fin du spectacle, montrent que le metteur en scène sait produire des images un peu plus fortes et surtout plus riches de sens que ce cadre pesant ; dommage qu'il ne sache pas les articuler pour constituer une véritable interprétation.
Comme dans les autres volets de ce Ring, c'est le directeur musical Cornelius Meister qui dirige le Staatsorchester Stuttgart : les premiers volets avaient montré beaucoup de déséquilibres, mais ce volet final, comme le Siegfried qui précédait, avance beaucoup plus naturellement, avec beaucoup de couleurs et d'élan, mais aussi avec une tendance à laisser rugir les décibels – pour l'auditeur, c'est spectaculaire et un peu fatiguant.
Souvent couverte ou à court de souffle, contrainte de détimbrer, Christiane Libor en Brünnhilde ne résiste pas à ce traitement : elle n'a certainement pas le format vocal nécessaire pour cette troisième Brünnhilde, mais la direction lui rajoute une charge supplémentaire. Le meilleur, pour ce qui concerne les voix, vient de la troupe de l'Opéra de Stuttgart : outre Shigeo Ishino, il faut citer la remarquable diseuse Stine Marie Fischer en Waltraute, sans oublier d'efficaces Filles du Rhin et Nornes.
Crédits photographiques : © Matthias Baus
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