San Francisco Symphony, Esa-Pekka Salonen et Yuja Wang : Vive l’Amérique
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 11-III-2023. Gabriella Smith (née en 1991) : Tumblebird contrails, création française ; Serge Rachmaninoff (1873-1943) : Concerto pour piano et orchestre n° 3 en ré mineur op. 30 ; Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour orchestre. Yuja Wang, piano. San Francisco Symphony, direction : Esa-Pekka Salonen
C'est à un programme totalement « américain » que nous convie Esa-Pekka Salonen pour ce deuxième concert du San Francisco Symphony à Paris, associant Trumblebird contrails de Gabriella Smith en création française et deux œuvres créées aux États-Unis : le Concerto pour orchestre de Béla Bartók et le Concerto pour piano n° 3 de Serge Rachmaninoff, interprété par la pétulante Yuja Wang.
Composée en 2014, inspirée par le bruit de la mer et le chant des oiseaux lors d'une promenade au bord de l'océan Pacifique au nord de San Francisco, Trumblebird contrails de Gabriella Smith est une superbe pièce, très narrative, riche en effets sonores (percussions), présentée ce soir en création française. Née du vrombissement croissant des violoncelles, elle laisse une large place aux percussions et aux cuivres, évoluant rapidement vers une structure rythmique envoûtante, voire sauvage, portée par des glissandos de cuivres (trombone), des attaques de cordes (altos) et des percussions véhémentes, avant de laisser progressivement place au flux et reflux, plus apaisés de la mer et à des épisodes plus contemplatifs peuplés de cris d'oiseaux (cordes) qui s'effaceront progressivement dans le silence de la mer… Pièce complexe, Esa-Pekka Salonen nous en offre une interprétation très poétique, remarquable de précision.
Véritable Everest pianistique qui associe tout à la fois beauté des lignes mélodiques, effusion lyrique et virtuosité confondante, le Concerto pour piano n° 3 (1909) de Serge Rachmaninoff est abordé avec maestria par la pianiste Yuja Wang. Prenant la main dès l'entame du premier mouvement Allegro ma non tanto par l'énoncé de son célèbre thème récurrent, Yuja Wang fait dès lors un véritable cavalier seul face à l'accompagnement discret, assez distancié et un peu froid de l'orchestre. Dans ce « leadership » qu'elle n'abandonnera pas tout au long des nombreuses modulations, on admire la variété du jeu, les couleurs, la poésie, la digitalité impressionnante soutenant une prodigieuse virtuosité qui culminera dans la démoniaque cadence. Initié par l'orchestre (hautbois, altos) le deuxième mouvement Intermezzo voit une fois encore le piano orchestral prendre la parole de façon péremptoire dans une suite de variations tumultueuses avant que le Finale ne retrouve orchestre et soliste réunis dans une cavalcade hypnotique et déchainée. Malgré la fatigue liée à cette interprétation épique, Yuja Wang, généreuse, offre deux bis au public parisien : Marguerite au rouet de Schubert revue par Liszt et la Mort d'Orphée de Gluck dans l'arrangement de Sgambati.
Avec le Concerto pour orchestre (1944) de Béla Bartók, Esa-Pekka Salonen a assurément gardé le meilleur pour la fin, nous gratifiant d'une impressionnante démonstration de direction qui fait chanter tous les pupitres de la phalange californienne. On y admire la précision rythmique, la lisibilité parfaite dans l'agencement des plans sonores, la lumineuse clarté de la texture orchestrale, autant que la beauté et la justesse des performances solistiques individuelles et collectives. Il se décline selon une architecture en arche en cinq mouvements : Introduction de caractère solennel, très contrastée sollicitant tous les pupitres (violoncelles, petite harmonie, harpe, altos, trompettes) ; Jeux de couple faisant intervenir successivement bassons, hautbois, clarinette, flutes, trompettes, avant que la harpe ne mette fin à ce joyeux babillage : Elégie dont la déploration poignante marque la douleur de l'exil (flute, piccolo, harpe, cordes et timbales) ; Intermezzo interroto, véritable patch work musical aux allures sarcastiques et pseudo folkloriques (alto, clarinette) ; Finale à l'orchestration éclatante (cuivres) s'appuyant sur des danses populaires, vivement rythmées hautes en couleurs, pour conclure cette démonstration orchestrale de haut niveau.
Crédits photographiques © Alexandre Wallon/Cheeese
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Paris. Philharmonie. Grande Salle Pierre Boulez. 11-III-2023. Gabriella Smith (née en 1991) : Tumblebird contrails, création française ; Serge Rachmaninoff (1873-1943) : Concerto pour piano et orchestre n° 3 en ré mineur op. 30 ; Béla Bartók (1881-1945) : Concerto pour orchestre. Yuja Wang, piano. San Francisco Symphony, direction : Esa-Pekka Salonen