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Lucas et Arthur Jussen enfin à Paris !

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 05-III-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate pour deux pianos en ré majeur K. 448 ; Franz Schubert (1797-1828) : Lebensstürme pour piano à quatre mains D.947 ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Le Sacre du printemps, version pour deux pianos. Lucas et Arthur Jussen, pianos

Avec Mozart, Schubert et Stravinsky, les jeunes pianistes néerlandais se sont produits dans un Théâtre des Champs-Élysées plein à craquer lors de leur tout premier récital parisien.


Deux frères, une allure juvénile, l'aîné à tout juste trente ans. Pianistes encore peu connus du public français, ils se produisent en duo depuis leur enfance. D'abord chez eux aux Pays-Bas, puis à la Salle Philharmonique de Liège où leur carrière à l'étranger s'amorce…il y a une quinzaine d'années ! Lors d'une Tribune des critiques de disques sur France Musique, lors d'une écoute en aveugle, leur version du Concerto pour deux pianos de Poulenc (avec le Concertgebouw dirigé par Stéphane Denève – DG, 2013) avait remporté nos trois suffrages, bouche bée de surprise, incapables de mettre un nom sur cette version parmi les six en lice. Ce présent récital au Théâtre des Champs-Élysées, leur premier à Paris, pourrait bien faire traînée de poudre en France…

Vêtus à l'identique, tels des jumeaux qu'ils ne sont pas, ils arrivent du même pas preste sur scène. Les deux pianos tête-bêche se détachent du rideau doré du théâtre. Lucas, l'aîné prend le clavier à jardin, Arthur s'installe à cour. Dans la Sonate pour deux pianos en ré majeur K.448 de Mozart, leurs jeux fusionnent dès le début du premier mouvement, au point que l'on ne saurait dire qui joue quoi. C'est troublant, assez déroutant, et en même temps très savoureux tant cette osmose sonore est parfaite. Quelle harmonie ! Tout est impeccablement ensemble, et Dieu sait si le début de cette Sonate peut être délicat à mettre en place. Le toucher est idéalement léger, les gammes ascendantes s'entrelacent si intimement, l'équilibre est si égal que chaque piano semble être le dédoublement de l'autre ! Le chant respire, fluide et raffiné dans l'Andante. Le troisième mouvement brille d'un jeu clair et vif, étourdissant, joyeux, et seulement là, on commence à percevoir de menues différences dans les prises de parole. 

Arthur rejoint ensuite son frère pour partager son clavier dans le Lebensstürme pour piano à quatre mains D. 947 de . Contrastés, d'esprit romantique, ces « orages de la vie » (titre attribué par Diabelli) alternent épisodes d'une grande fermeté, tragiques, parfois rudes et combatifs, illuminés de passages doucement chantants d'une grande délicatesse. Les deux musiciens en rehaussent l'expressivité par une approche théâtrale, qui rend l'ouvrage particulièrement vivant.

Cette pièce fait office d'interlude avant le Sacre du Printemps d' dans sa transcription pour deux pianos. Une version qui impose aux interprètes qui doivent à eux deux se substituer à tout l'orchestre, un engagement physique, une mobilisation d'énergie hors du commun. Il faut ici retrouver la densité orchestrale, l'ampleur sonore, les couleurs que la version pour quatre mains ne permet pas. Les deux frères empoignent l'œuvre avec une assurance et un sens de la construction d'autant plus stupéfiants qu'ils jouent par cœur, cela depuis le début du récital. Pas l'ombre d'une partition sous les yeux : pas non plus l'ombre d'une hésitation, d'une note à côté. Le jeu est d'une ultra-précision, tout est parfaitement à sa place, ajusté, huilé comme un rouage d'horlogerie, servi par une technique d'une solidité prodigieuse. Les rythmes irréguliers, les accentuations, la sauvagerie des accords, compacts arrachés ou plaqués avec force, font sensation. Passé le chant doux et évanescent de l'introduction, ça crépite, ça s'échauffe…Le registre aigu se pare de couleurs vives, chatoyantes sur la profondeur des basses. Tout s'entend, tout est clair, les plans sonores parfaitement différenciés, lisibles, les contrastes marqués, le toucher cinglant, ou au contraire immatériel, rêveur. Quel climax à la fin du Cortège du Sage !

Les frères Jussen ne savent retenir leur émotion lorsqu'ils remercient le public très enthousiaste, et surtout lorsque dans les pas de celles-ci, ils évoquent leurs icônes, Katia et Marielle Labèque, qui ont enregistré le Sacre dans leur disque « Invocations » (DG, 2016). S'ils n'ont pas tout à fait encore ce que le jeu des deux sœurs dégage : une puissance sauvage, une transe et un mystère envoûtants, leur performance très impressionnante, théâtrale et brillante, a mis le feu à la salle. Pour ne pas « laisser le public triste de devoir partir », ils offrent alors en bis et à quatre mains la transcription de György Kurtág de Gottes Zeit ist die allerbeste BWV 106:2a de Jean-Sébastien Bach. 

Crédit photographique © Marco Borggreve

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 05-III-2023. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate pour deux pianos en ré majeur K. 448 ; Franz Schubert (1797-1828) : Lebensstürme pour piano à quatre mains D.947 ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Le Sacre du printemps, version pour deux pianos. Lucas et Arthur Jussen, pianos

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