Le Quatuor Diotima à Metz, correspondances musicales
Plus de détails
Metz. Arsenal. 28-II-2023. Karol Szymanowski (1882-1937) : Quatuor n° 2, op. 56 ; Lisa Streich (née en 1985) : Sternenstille (Le calme des étoiles) ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Trois pièces pour quatuor à cordes ; Béla Bartók (1881-1945) : Quatuor n° 1, op. 7. Quatuor Diotima
Dans un programme d'une remarquable intelligence, les Diotima unissent force expressive et inventivité au plus haut niveau instrumental.
Le Quatuor Diotima, en résidence à la Cité musicale de Metz, avait prévu pour cette nouvelle étape une création de Misato Mochizuki, dont ils avaient présenté Brains lors du premier concert de cette résidence. Hélas, la partition n'était pas prête, mais ce qui la remplace dissipe les regrets.
L'essentiel du concert est consacré à des compositeurs nés en 1881/1882 : une même génération donc, qu'unit leur relation à Paris et à la musique française, illustrée en ouverture de programme par le second quatuor de Szymanowski, que les Diotima ne laissent pas perdre dans une brume impressionniste – c'est évident pour le mouvement rapide central, avec ses pizzicati insaisissables et non sans malice, avec son énergie populaire, mais les deux autres mouvements ne se laissent pas non plus gagnés par la langueur : les Diotima n'ont pas peur de l'expressivité et de l'épanchement émotionnel, mais conservent toujours une netteté dans le discours et une noblesse de ton qui donnent toute sa force à la partition.
La pièce toute récente de Lisa Streich, Sternenstille (Le calme des étoiles) mérite bien d'être présentée ici en remplacement de la création reportée : elle n'est pas qu'une pièce d'atmosphère, même s'il y a quelque chose d'impressionniste dans ce paysage fragmenté, lui aussi plein de pizzicati ; il y a aussi quelque chose d'enfantin, entre insouciance du jeu et danse d'elfes, tandis que les archets à peine posés sur les cordes nappent l'espace sonore d'une teinte de mystère – la séduction est immédiate, et le public de l'Arsenal, y compris de nombreux scolaires visiblement bien préparés, accorde à cette courte pièce une attention que la musique contemporaine ne reçoit pas toujours.
L'autre remplaçant de la création reportée est Stravinsky avec ses trois pièces pour quatuor de 1914 : dans leur brièveté, leur refus de construire une unité dépassant les deux ou trois minutes de chaque pièce, elles sont aussi frappantes que trop rares au concert. Les Diotima s'en donnent à cœur joie, avec une agressivité dans les deux premières pièces qui soulignent l'insistance des figures rythmiques répétées, tout en allant jusqu'au bout des variations de couleur demandées par Stravinsky, avant la plus méditative pièce finale, qui entre nettement en écho avec la pièce de Lisa Streich – voilà un programme bien conçu !
Le concert se termine avec la plus ancienne pièce du programme, le premier quatuor de Bartók, où le premier violon du quatuor Yun-Peng Zhao se révèle un redoutable meneur de jeu, dans une formation où l'équilibre sonore va toujours de pair avec des personnalités fortes à tous les pupitres – le violoncelle de Pierre Morlet est aussi mis particulièrement à l'honneur dans la pièce. Le funèbre premier mouvement met en avant la fusion des timbres, avec une capacité à varier la couleur sonore qui met en avant tout le parcours émotionnel du mouvement ; dans l'élan du final, l'ampleur sonore va de pair avec cette manière de dire les choses franchement, sans concession à l'effet mais sans fausse retenue, qui fait toute la force de l'ensemble. Et il est fort heureux que l'Arsenal, en s'engageant ainsi pour la musique de chambre et pour le quatuor à cordes en particulier, ait réussi à constituer un public aussi réceptif et curieux pour ce genre qui reste trop souvent dans l'ombre des grandes machines orchestrales.
Crédits photographiques : © Quatuor Diotima/quatuordiotima.fr
Plus de détails
Metz. Arsenal. 28-II-2023. Karol Szymanowski (1882-1937) : Quatuor n° 2, op. 56 ; Lisa Streich (née en 1985) : Sternenstille (Le calme des étoiles) ; Igor Stravinsky (1882-1971) : Trois pièces pour quatuor à cordes ; Béla Bartók (1881-1945) : Quatuor n° 1, op. 7. Quatuor Diotima