Joyce DiDonato et Pierre Bleuse magnifiques dans un programme américain à Radio France
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Paris. Maison de la Radio et de la Musique, Auditorium. 23-II-2023. Leonard Bernstein (1918-1990) : Candide, Ouverture. Jake Heggie (né en 1961) : Camille Claudel : Into The Fire (création française). John Adams (né en 1947) : Harmonielere. Joyce DiDonato, mezzo-soprano. Orchestre national de France, direction : Pierre Bleuse
Dans un Auditorium de Radio France trop clairsemé, Pierre Bleuse trouve une énergie idéale pour décupler les sons américains d'un Orchestre National de France des grands soirs, avec Camille Claudel de Jake Heggie par Joyce DiDonato en point culminant.
Les vacances parisiennes et le programme sans ouvrage romantique ne justifient pas un Auditorium aussi peu rempli à la Maison de la Radio, pour ce concert dans lequel apparaît l'une des plus grandes mezzos de notre temps. Au demeurant, tous les absents ont eu tort, tant la soirée fut excellente de la première à la dernière pièce, comme le prouve dès l'Ouverture de Candide la très énergique direction du futur nouveau directeur de l'Ensemble Intercontemporain.
N'hésitant pas à foncer dans l'œuvre avec un Orchestre National de France éclatant, Pierre Bleuse dynamise immédiatement les cuivres puis tous les musiciens, pour s'engouffrer dans l'ironie de cette musique sans pour autant s'y montrer trop lourd. En deuxième partie de soirée, le chef originaire de Boulogne-Billancourt, à 8 944 km de San Francisco où a été créé Harmonielehre il y a 35 ans, entre avec la même vivacité et la même tenue dans l'une des meilleures compositions de John Adams. Inspiré par l'étude publiée en 1911 par Arnold Schönberg, le compositeur américain reste cependant tonal dans sa partition, très minimaliste même, puisqu'à cette époque sa patte pouvait encore se confondre avec celle d'un Steeve Reich.
D'une palette de couleurs splendides dès la vive introduction des vents, puis plein de nuances dans les développements des trois mouvements à venir, l'Orchestre National de France pénètre lui aussi dans cette musique comme s'il l'avait dans son ADN, juste peut-être un peu plus transparent qu'attendu dans les cordes. Toujours très attentif, Pierre Bleuse concentre le son de l'ensemble sans jamais lâcher la bride pendant les dix premières minutes, puis aère parfaitement le rendu quand le rythme se détend. Le travail plus précis sur les contrebasses et les violoncelles du deuxième mouvement, The Anfortas Wound, permet d'observer comment le chef parvient à créer un caractère plus dépressif, tandis que le dernier mouvement, Master Eckhardt and Quackie, met en exergue la qualité des équilibres, à maintenir parmi les jeux de boucles rétroactives de la partition.
Déjà superbe par ses pièces purement symphoniques, le concert trouve cependant son apogée dans l'œuvre médiane, Camille Claudel : Into The Fire, de Jake Heggie. Peu connu en France, le compositeur d'aujourd'hui 61 ans est plus célèbre aux États-Unis, où ses opéras Dead Man Walking et Moby-Dick sont régulièrement repris. Avec Claudel, il livre en sept parties sur des textes de Gene Scheer une histoire de femme, artiste reconnue de son époque, mais dont la relation amoureuse avec Auguste Rodin est très compliquée. Déjà créatrice de la version de 2012 avec quatuor, Joyce DiDonato (dont on vient d'apprendre qu'elle ne prendra malheureusement pas le rôle de Carmen en avril à Strasbourg) revient au cycle cette fois dans sa version orchestrale, créée par Sasha Cooke en 2015.
Écrit pour un ensemble d'une quarantaine de musiciens, l'accompagnement reste toujours dans des sphères moirées, relativement froides et sombres, qui laissent la place principale au chant. Alors, la mezzo-soprano américaine peut s'épancher dans l'histoire de la sculptrice, d'abord par son réveil en pensant à Rodin (I), puis avec une Valse (II) et les délires d'une histoire d'oubli hindou, en référence à la sculpture Sakountala (III). D'un chant ouvert, DiDonato livre un texte parfaitement clair dans une interprétation splendide d'engagement, nuançant chaque sensation du texte et chaque intonation de sa partition, en parfait accord avec la direction de Bleuse. La Petite Châtelaine (IV) démontre sa faculté à se montrer plus mélancolique, dans cette partie correspondant au moment où Camille Claudel avortait d'un enfant de Rodin, ici bien soutenue par le cor anglais. The Gossips (V) revient à un style plus minimaliste dans la composition, plus dynamique aussi, avant un Âge Mûr (VI) purement symphonique, calme bien que perturbé, comme le sera l'Epilogue (VII), dans lequel Jessie Lipscomb visite Claudel à l'asile de Montfavet en 1929, lieu où l'artiste a été internée de 1915 à sa mort, en 1943.
Crédits photographiques : © ResMusica
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Paris. Maison de la Radio et de la Musique, Auditorium. 23-II-2023. Leonard Bernstein (1918-1990) : Candide, Ouverture. Jake Heggie (né en 1961) : Camille Claudel : Into The Fire (création française). John Adams (né en 1947) : Harmonielere. Joyce DiDonato, mezzo-soprano. Orchestre national de France, direction : Pierre Bleuse