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Entre trivial et sublime, le Tristan de Simon Stone donné à Luxembourg

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Luxembourg. Grand-Théâtre. 27-II-2023. Richard Wagner (1813-1883) Tristan und Isolde, opéra en trois actes (1865 sur un livret du compositeur d’après la légende arthurienne éponyme. Mise en scène : Simon Stone. Décors : Ralph Myers. Costumes : Mel Page. Lumières : James Farncombe. Vidéo : Lukes Hall. Chorégraphie : Arco Renz. Avec : Daniel Frank, ténor (Tristan) ; Ann Petersen, soprano (Isolde) ; Katarina Karnéus, mezzo-soprano (Brangäne) ; Franz-Josef Selig, basse (König Marke) ; Josef Wagner, baryton (Kurwenal) ; Joel Williams, ténor (Ein Hirt / Ein junger Seemann) ; Leon Kosavic, baryton (Melot) ; James Atkinson, baryton (Der Steuermann). EPCC – Estonian Philharmonic Chamber Choir. Orchestre Philharmonique du Luxembourg, direction : Lothar Koenigs

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Distribution renouvelée pour le Tristan donné à Aix en 2021. En dépit de quelques incohérences, la mise en scène de séduit par certains aspects.


Donné au festival d'Aix-en-Provence en 2021, le spectacle, et c'est le moins qu'on puisse dire, n'avait pas emballé la critique. Nous y étions également. Près de deux ans plus tard, notre avis sera plus mitigé. La seule véritable incohérence dans la conception de est d'imaginer la liaison adultère de Tristan, qu'Isolde découvre sous les yeux du public au début de l'ouvrage. Si cette révélation traumatique permet d'expliquer le climat aigre-doux et les sarcasmes qui alimentent la totalité du premier acte, elle ne fait pas sens dans les deux suivants, même si l'on finit par comprendre que, telle Madame Bovary, Isolde se réfugie dans un monde de rêves et de fantasmes dans lequel elle se donne l'illusion de trouver l'amour idéal. Au troisième acte, elle quitte ce Tristan usé et fatigué pour s'assumer dans un ailleurs mystérieux et inaccessible. Si la proposition peut faire sens à certains moments, rien n'explique dans le concept de Stone le recours au filtre magique, la présence de Marke, ou tout simplement les allées et venues de la plupart des personnages de l'opéra, dont la fonction dramatique reste indéfinie. Autant, pour profiter du deuxième acte, faire le retour vers l'intrigue originale. Concept inabouti, donc, parfois à la limite de l'incohérence, mais qui n'est pas non plus sans ouvrir quelques horizons intéressants.


On signalera tout d'abord toute la pertinence qu'il y a à ancrer les deux amants dans un quotidien parfaitement reconnaissable, entièrement démythologisé et de ce fait universalisé. On pourra noter aussi l'élégance des trois décors, rehaussés par des éclairages à la beauté fulgurante. Un luxueux salon au premier acte, qui donne sur une baie vitrée splendidement illuminée et qui, par le plus grand des hasards, se présente comme le prolongement du style années 60 du Grand-Théâtre de la ville de Luxembourg. L'appartement donne sur un somptueux paysage de gratte-ciels d'une ville contemporaine, puis sur des vagues houleuses qui évoquent à leur manière le navire du roi Marke et la traversée entreprise par les deux amants. Le deuxième acte se passe dans l'open space de la compagnie que dirige Isolde. Trois couples de figurants d'âges variés, la présence de jeunes enfants, renvoient à l'image de ce qu'aurait pu être ce couple idéal entièrement fantasmé. L'acte trois se déroule de la première à la dernière note dans le métro parisien, dont les arrêts successifs marquent les entrées et sorties des personnages du drame ou de simples figurants. Le joueur de cor anglais y est montré comme un musicien de rue déambulant dans le métro. Les paysages qui défilent derrière la rame suggèrent l'éternelle quête d'un ailleurs inatteignable. Rarement l'image d'Isolde quittant la scène à l'issue de son Liebestod, à la station Châtelet pour donner un peu de piquant à l'affaire, n'aura été aussi forte, malgré la trivialité de la situation. Vêtue d'un lamé or, la femme enfin libérée et pleinement réalisée sort de la rame de métro en laissant derrière elle un Tristan brisé et anéanti. Était-ce là le sens souhaité par Wagner ? Sans doute pas, mais le sens donné par la mise en scène n'en est pas moins fort et troublant.


Il fallait pour tenir un tel concept une brochette de chanteurs prêts à jouer le jeu, et le plateau réuni sur la scène du Grand-Théâtre se montre tout à fait à la hauteur de la situation. On saluera tout d'abord l'excellente tenue des petits rôles, avec notamment de jeunes artistes comme par exemple le ténor en berger et en jeune marin, qui sont à surveiller. Belle prestation également en Kurwenal du baryton , un des rares rescapés du festival d'Aix. Mention spéciale pour le mezzo rond et voluptueux de Katarina Karnéus, dont le vibrato chaleureux fait merveille dans ses interventions au cours du duo du deuxième acte. Très bien assortis vocalement, et forment un beau couple d'amants. Ils possèdent tous les deux le grain de voix dramatique que l'on attend pour ce type de catégorie vocale, mais si en termes de volume ils n'ont pas encore toute la puissance qui conviendrait. Si le ténor est plus monochrome, la soprano trouve de belles couleurs et de beaux phrasés qui lui permettent d'être crédible tout au long de la soirée. Ses extrêmes aigus sont un peu bas, mais elle couronne son Liebestod d'un superbe filé pianissimo longuement tenu. En Marke, Franz-Josef Selig fait comme d'habitude sensation, son immense voix de basse remplissant le théâtre sans le moindre effort. Très belles et trop rares interventions du chœur EPCC, lecture envoutante de l' placé sous la baguette de . Un spectacle tout à fait fascinant, inabouti dans sa conception, mais offrant de belles perspectives sur la lecture et l'interprétation d'un mythe universel.

Crédit photographique © Philharmonie Luxembourg/Eric Devillet

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Luxembourg. Grand-Théâtre. 27-II-2023. Richard Wagner (1813-1883) Tristan und Isolde, opéra en trois actes (1865 sur un livret du compositeur d’après la légende arthurienne éponyme. Mise en scène : Simon Stone. Décors : Ralph Myers. Costumes : Mel Page. Lumières : James Farncombe. Vidéo : Lukes Hall. Chorégraphie : Arco Renz. Avec : Daniel Frank, ténor (Tristan) ; Ann Petersen, soprano (Isolde) ; Katarina Karnéus, mezzo-soprano (Brangäne) ; Franz-Josef Selig, basse (König Marke) ; Josef Wagner, baryton (Kurwenal) ; Joel Williams, ténor (Ein Hirt / Ein junger Seemann) ; Leon Kosavic, baryton (Melot) ; James Atkinson, baryton (Der Steuermann). EPCC – Estonian Philharmonic Chamber Choir. Orchestre Philharmonique du Luxembourg, direction : Lothar Koenigs

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