Témoins de vie et corps empêchés au Carreau du Temple

La seconde édition du festival Everybody, consacré au corps contemporain, s'est achevée au Carreau du Temple à Paris avec le spectacle Forme(s) de vie d'Eric Minh Cuong Castaing, avant sa tournée à Morlaix et à Brest. Il propose une expérience magique pour des corps augmentés.

Encore mieux qu'un exosquelette ! Des danseurs en pleine capacité de leurs moyens suppléent à la mobilité défaillante de personnes en situation de handicap. Un ancien boxeur professionnel retrouve une nouvelle jeunesse en esquissant, puis en lançant ses poings dans le vide, dans la précision du coup et de l'attaque. Ses coudes, ses épaules, sont soutenus par deux danseurs qui l'encouragent comme des coachs, mais c'est bien le boxeur qui est maître du mouvement, lui donnant son intentionnalité et sa direction. Il jubile en parcourant à grandes enjambées le plateau ou en grimpant quatre à quatre les gradins du Carreau du Temple où sont assis les spectateurs. Avec les deux danseurs qui l'entourent, ils ne font qu'un dans les portées ou les acrobaties, tout comme dans l'abandon.

Plus discrète, mais non moins fière, l'ancienne danseuse qui prend le relais, accompagnée par une jeune fille, semble, elle aussi, redécouvrir chaque geste et inventer chaque pas comme un enfant apprend à marcher. Par la magie d'un duo ensuite avec Eric Minh Cuong Castaing, le corps marionnette manipulé comme une poupée donne un peu plus que ce que le manipulateur prend.

Les deux interprètes aux corps empêchés deviennent pleinement danseurs lorsqu'ils se rejoignent, se tenant seuls au milieu du plateau dans un duo fragile mais absolu. L'absence de costume, de musique et de décor donne à ce moment chorégraphique une dimension expérimentale.

Projetées sur un écran en fond de scène, quelques images filmées en pleine nature disent la même chose de cet effort insensé et jubilatoire pour redécouvrir une mobilité perdue. Tournées à différents moments dans les montagnes de la région de Marseille, elles croisent les expériences vivantes de ces corps empêchés venant de centres de soins palliatifs ou thérapeutiques. La danse-thérapie vient alors brouiller le message du spectacle avec les images finales d'un corps impotent manipulé par des blouses blanches dans le crissement angoissant d'une alèze de lit d'hôpital. L'image aurait pu être belle, mais elle peut susciter la gêne.

Crédits photographiques : © Shonen