Jérémy Garbarg en mode parlando pour Kodály, Enesco et Janáček

Le violoncelliste Jérémy Garbarg, maître d'œuvre de cet enregistrement captivant, livre et applique sa conception du parlando, ce mode de récitation musicale très proche du discours parlé.

Le dynamique label belge, Fuga Libera, fondé en 2004, soutient une belle inspiration de la tradition folklorique de l'Europe centrale, comme le témoigne cet album. Pour le violoncelliste, le parlando représente un style musical qui imite la voix parlée, qui symbolise aussi le dialogue et qui permet de raconter des histoires autour d'un style ou d'une époque.

La première pièce revient au Hongrois Zoltán Kodály avec la Sonate pour violoncelle seul, op. 8, une œuvre de jeunesse pleine d'événements et de force, où son intérêt intense pour les chants populaires hongrois se perçoit déjà, sans jamais pencher vers un folklorisme facile. Élaborée en 1915, cette grande fresque homophonique inspire hautement Jérémy Garbarg qui en magnifie toute la fougue et l'originalité stylistique.

Le deuxième opus au programme ressuscite avec talent et dynamisme le peu fréquenté Trio avec piano n° 1 en sol mineur du Roumain Georges Enesco composé en 1915. Violoniste virtuose et compositeur inspiré, il demeure par trop méconnu hormis peut-être sa Rhapsodie roumaine (1901) qu'il dirigea avec succès à Bucarest à tout juste 17 ans. L'œuvre, épique, s'appuie sans faiblesse sur d'abondants rythmes entraînants et de nombreux airs opulents et attachants. Tous inspirent le Trio Consonance au sein duquel Garbarg joue en compagnie des excellents Ryo Kojima (violon) et Kojiro Okada (piano).

La session s'achève avec le profond et émouvant Quatuor à cordes n° 1 du Tchèque Leoš Janáček, sous-titré « Sonate à Kreutzer » et inspiré par le roman éponyme de Léon Tolstoï. L'âme nostalgique et rêveuse du compositeur, ses élans si individuels, ses alternances de révoltes et d'apaisement inspirent aux interprètes une lecture qui se refuse à arrondir les angles en optant pour une sonorité souvent brusque frisant parfois la rugosité, choix qui conviennent justement à la manière du grand maître.