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Un ouvrage de référence sur l’histoire oubliée des compositrices

 

S'il existe un certain nombre de monographies de compositrices écrites sous la plume de musicologues au masculin, est bien le premier, en France, et à notre connaissance, à se lancer dans une histoire des compositrices. L'étude, publiée aux éditions Le Mot et le Reste, est envisagée sous le prisme de l'évolution de la pensée, du contexte politico-social, des mouvements artistiques et de la place des femmes dans la société et dans le monde musical. Le travail d'envergure couvre toute l'histoire de la musique savante occidentale, du VIᵉ siècle avant notre ère jusqu'à aujourd'hui, présentée selon le découpage historique traditionnellement adopté, avec des repères chronologiques à la fin de chacune des huit périodes abordées. Édifiant autant que passionnant, l'ouvrage est balisé de portraits de compositrices se succédant chronologiquement toujours : un seul pour l'Antiquité (Sappho) et la Renaissance (Maddalena Casulana), trois pour le Moyen-âge, de quatre à six pour les périodes suivantes et jusqu'à vingt-deux pour la période contemporaine, de l'Éthiopienne Emahoy Tsegué-Maryam Guèbrou (née en 1923) à l'Italienne Clara Iannotta (née en 1983). Un important glossaire à la fin de l'ouvrage permet d'accéder à la compréhension de tous les termes musicaux.

« Des Lumières qui ne s'allument pas pour elles », titre l'auteur dans le cinquième chapitre (XVIIIᵉ siècle), rappelant que « sur les cent-trente-neuf auteurs de l'Encyclopédie, on ne compte aucune contributrice », même si s'amorce une première vague féministe avec « la défense des droits des femmes » de Mary Wollstonecraft (1792). Les nouveaux idéaux socialistes fleurissent au XIXᵉ siècle et une prise de conscience des inégalités homme/femme se fait jour. Les conservatoires ouvrent leur porte, à Paris en 1795 et dans toute l'Europe, établissements non mixtes (comme à l'école) où les femmes n'ont pas accès à toutes les classes, notamment celle de composition. Des « ouvrages de dames » (pièces brèves pour le piano, Lieder) à l'univers symphonique d'Augusta Holmes, les partitions des compositrices se multiplient à l'international ; s'illustrent également bon nombre de femmes dans les autres domaines de la création (arts plastiques) et dans la recherche (Marie Curie). Le premier congrès international sur le droit des femmes se tient à Paris en 1878 puis aux USA en 1888. Au tournant du XXᵉ, le mouvement suffragiste essaime dans le monde entier ; apparaissent les premières historiennes de la musique qui vont orienter leur recherche vers les compositrices tandis que les cheffes d'orchestre montent des ensembles de musiciennes pour pouvoir exercer leur fonction ! Une même rubrique traverse pratiquement toutes les époques, celle des instrumentistes et chanteuses, nombreuses dans cette catégorie quoique difficilement accueillies dans les orchestres…

Si une deuxième puis une troisième vague féministes (de 1945 à nos jours) parviennent aujourd'hui à faire bouger les lignes, rappelle aussi « qu'il faut lutter avec beaucoup d'engagement et de courage (lorsqu'on est compositrice) pour s'imposer dans un univers encore et toujours très masculin » : la conclusion se veut une mise en garde : « l'égalité ne pousse pas comme l'herbe verte » dit en substance Geneviève Fraisse citée dans l'ouvrage. Restons donc vigilants ! (MT)

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