Jean-Pierre Leguay en dix improvisations au grand orgue de Notre-Dame de Paris

Retrouver Jean-Pierre Leguay aux commandes du grand orgue de Notre-Dame de Paris est une expérience musicale singulière. Dix improvisations captées sur une période d'une décennie offrent quelques empreintes marquantes de l'art de cet organiste compositeur et improvisateur de génie.

Entendre Jean-Pierre Leguay improviser au grand orgue de Notre-Dame de Paris est pour celles ou ceux qui ont eu ce privilège une expérience inoubliable. Le monde musical de cet artiste est très particulier, très personnel aussi. On a assisté durant la deuxième moitié du XXᵉ siècle à l'éclosion d'un style d'improvisation issu directement de la grande tradition symphonique des organistes français. Pierre Cochereau lui-même organiste de Notre-Dame immense dans son art, fut un modèle incontournable qui inspire encore de nombreux musiciens de notre temps.

Le chemin de Jean-Pierre de Leguay est autre et il nous en offre quelques pas choisis parmi une longue route. A ce propos, il est bon d'écouter ce qu'il nous en exprime. Jean-Pierre Leguay a œuvré durant trente années pour le concert et au service de la liturgie de Notre-Dame, qui furent pour lui des sources vives d'inspiration.

A titre d'exemple, la plage 6 offre une improvisation intitulée Carillon I. Elle fut captée lors du jour de Pâques 2005 en conclusion de l'audition d'orgue du dimanche après-midi. Elle prend pour thème la mélodie du graduel de Pâques : Haec Dies (Voici le jour…). Comme son nom l'indique l'évocation des cloches qui ce jour là sonnent à toute volée est omniprésente. Tel un réveil illustrant le matin de Pâques, les sons résonnent en emplissant peu à peu l'espace au dessus duquel plane grâce aux trompettes en chamade l'hymne du jour. Il y a ici comme une immersion totale dans laquelle se trouve prolongé l'auditeur, grâce à l'acoustique du vaisseau, la puissance de l'orgue et la musique elle-même qui développe de nombreux accords comportant les harmoniques naturelles et impaires propres aux carillons. De proche en proche, comme une marée montante, chaque élément prend de l'importance dans l'espace en une sorte d'ivresse débordante, se terminant dans un Tutti étourdissant.

Une autre improvisation Carillon II enregistrée en 2008 reprend certains de ces principes en se situant de manière plus intimiste afin d'accueillir le magnifique thème de l'Ave Maris Stella pour la fête de l'Assomption. Les jeux de fond s'enrichissent peu à peu de mixtures éblouissantes imageant cet orgue-vitrail dont nous parle l'auteur. Le carillon réapparait cette fois-ci en demi-teinte lointain et rassurant.

D'autres moments improvisés montrent combien le chant intérieur de Jean-Pierre Leguay s'inspire ici du lieu, des mélodies, des vibrations même de cette cathédrale comme le furent auparavant tant de musiciens attachés à Notre-Dame de Paris. Le discours de l'orgue est intimement lié à celui du chant, par l'alternance ou le dialogue, et ces expressions uniques sont liées à l'art d'un musicien transcendé par cette nef éternelle.

Lire aussi :

Une histoire discographique de l'orgue de Notre-Dame de Paris