Offenbach, bien plus qu’un musicien européen

Quel choix étonnant que le titre de cet ouvrage collectif, qui vise une approche bien plus large que celle d'un « musicien européen » en la personne de Jacques Offenbach, titre d'ailleurs déjà exploité par Philippe Luez en 2001 (Jacques Offenbach, un musicien européen, Editions Séguier).

Même constat dans la table des matières, avec des intitulés sans attraits pour organiser l'enchaînement des différentes contributions scientifiques : « Etapes d'une vie, étapes d'une œuvre » ; « Regards sur le répertoire offenbachien » ; « Diffusion et réception » ; « Postérité d'Offenbach ». Pour mesurer l'intérêt de cette nouvelle proposition de Palazzetto Bru Zane, en collaboration avec Actes Sud, il faut donc aller plus loin que ces éléments qui restent pourtant décisifs lorsque le lecteur fait le choix d'une acquisition dans une librairie.

En vérité, Offenbach, musicien européen est le témoignage concret de la vivacité de la recherche musicologique autour du « petit Mozart des Champs-Elysées », qui n'a pas besoin d'un bicentenaire pour se justifier. En effet, sous la direction de Jean-Claude Yon, professeur et directeur du Centre d'histoire culturelle des sociétés contemporaines de l'Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Arnold Jacobshagen, professeur de musicologie à la Hochschule für Musik und Tanz de Cologne, et Ralf-Olivier Schwarz, professeur de musicologie à la Hochschule für Musik und Tanz de Francfort, ce livre est aussi le témoignage d'un colloque organisé durant quatre jours en 2019 entre Cologne et Paris, villes de naissance et de mort de Jacques Offenbach, parmi d'autres manifestations anniversaires – forcément trop peu nombreuses pour ces spécialistes.

Logiquement, la nature des textes reste pointue pour un lecteur non-averti, telle que l'étude sur la technique de composition proprement dite d'Offenbach d'Anatol Stefan Riemer (« Enchaînement et inversion. Relation entre mélodie et accompagnement dans la conception thématique de Jacques Offenbach »), ou encore celle d'Hugo Rodriguez sur « La forme et le sens de « Bu qui s'avance ». Langue, métrique et musique dans les couplets des rois de La Belle Hélène ».

Ce que l'on retiendra surtout, c'est l'originalité d'un bon nombre d'approches et de réflexion, comme celle d'Arnold Jacobshagen qui peint un portrait du compositeur par l'étude – stimulante ! – des nécrologies de 1880 (« Le plus parisien de tous les parisiens ») permettant l'analyse de regards multiples des journalistes et musicologues de l'époque. C'est aussi l'audace qui jaillit de plusieurs angles de vue, audacieux et donc discutables, permettant ainsi au lecteur d'alimenter son propre point de vue par des thématiques osées qui ne peuvent que le faire réagir : les aspects pornographiques de l'œuvre offenbachienne (« La naissance de l'opérette dans l'esprit de la pornographie », Kevin Clarke) ; ou bien la comparaison avec le théâtre musical wagnérien (« Richard Wagner et Jacques Offenbach. Entre attraction et répulsion : la simultanéité de deux théâtres musicaux dissemblables », Dieter David Scholz). Alors quand on est interpellé sur des redécouvertes telles que la Duchesse d'Albe (« Un premier état des sources conservées aux Archives de la ville de Cologne », Matthias Brzoska) ou le travail d'Offenbach à la Comédie-Française (Roxane Martin), on peut aisément se dire que ce livre répond pleinement à des attentes détournées !