Jérôme Correas et ses Paladins déclinent un Vivaldi intimiste et coloré

Vivaldi autrement, sous la forme de concertos de chambre avec toutes sortes d'instruments solistes, voilà ce que nous proposent Les paladins de Jérôme Correas. 

Lors de son séjour à la cour de Mantoue, le compositeur découvre de nombreux musiciens virtuoses permettant d'autres couleurs instrumentales que celle des cordes, lui apportant d'autres horizons pour nourrir son inspiration. Le titre de l'album nous présente des Concerti virtuosi dont l'un des plus célèbres est le fameux La tempesta di mare. Ce concerto est confié à la flûte soliste et dépeint un évènement tragique en mer, comme Vivaldi sait les décrire, à l'image des tableaux évocateurs des Quatre saisons. Les mouvements rapides évoquent le déchainement des éléments et l'Adagio central quelque rêve d'accalmie. Souvent entendu en formation chambriste « orchestre à cordes », cette œuvre se redécouvre dans un cadre plus intimiste.

La flûte virtuose de François Nicolet raconte avec fougue les moments d'angoisse de la tempête. Fidèle à ses descriptions de la nature, tant visuelles que sonores, Vivaldi intitule l'un de ses concertos Il gardellino (le chardonneret) ainsi qu'un autre évoquant une scène champêtre avec des bergers : La pastorella. Les adagios au centre des concertos évoquent souvent la sicilienne, danse à trois temps. Certains passages rappellent les Quatre saisons, comme si cette œuvre était la marque même du style du vénitien.

Au centre du disque on trouve une œuvre encore plus réduite dans sa formation : un Trio pour luth violon et basse en do majeur. Un troublant dialogue s'installe alors entre le violon volubile de Claire Sottovia et le luth de Benjamin Narvey, riche d'accords soutenus par la basse continue. Ces ambiances bucoliques rappellent aussi par certains aspects d'autres compositions dont les Sonates pour flûte Il pastor fido. Les instruments à vent concourent harmonieusement à ces moments champêtres, le hautbois de Thimothée Oudinot et le basson de Niels Copalle. François Nicollet utilise tour à tour la flûte à bec et la flûte traversière. Les six musiciens conduits et soutenus remarquablement par Jérôme Correas depuis ses claviers au clavecin ou à l'orgue, constituent un ensemble alliant équilibres et couleurs tout au long de ces pages composées pour charmer l'auditoire, en le connectant agréablement avec les éléments de la nature et leurs sons naturels.

Ces œuvres sont idéales pour mettre en valeur la rhétorique baroque, cet art du discours qui passe ici par les instruments et non la voix, mais qui évoquent aussi bien et de manière assez étrange des états d'âmes les plus divers. Comme le souligne Jérôme Correas, c'est une musique qui surprend l'auditeur en venant le chercher pour lui parler directement. L'enregistrement de ce programme a été capté lors de concerts sur plusieurs jours, apportant encore plus de spontanéité à ces œuvres et favorisant finalement cette liberté recherchée et trouvée dans ses meilleurs moments. Vivaldi a certes composé plus de cinq cents concertos, mais chaque interprétation ou proposition de sa musique le renouvelant intensément à chaque fois, il continue de nous étonner.