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Lucie de Lammermoor avec Jodie Devos à l’Opéra de Tours

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Tours. Grand Théâtre de Tours. 5-II-2023. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucie de Lamermoor, opéra en trois actes sur un livret de Alphonse Royer et Gustave Vaëz. Mise en scène : Nicola Berloffa. Scénographe : Andrea Belli. Lumières : Valerio Tiberi. Costumes : Nicola Berloffa. Avec : Jodie Devos, Lucie ; Florian Sempey, Henri Ashton ; Matteo Roma, Edgard Ravenswood ; Kévin Amiel, Lord Arthur Bucklaw ; Jean-Fernand Setti, Raymond ; Yoann Le Lan, Gilbert. Chœur de l’Opéra de Tours et Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, direction : Joanna Slusarczyk

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Lucia di Lammermoor, pierre angulaire du répertoire belcantiste romantique, connaît une version française malheureusement assez peu exploitée sur scène, mais les efforts de l'Opéra de Tours pour mettre en avant le répertoire français permet d'en déployer les richesses, différentes de sa plus connue version italienne.

Adaptée complètement par Donizetti en 1839 pour un soprano vraisemblablement à la tessiture plus aigüe que pour la version italienne, quelques airs sont modifiés, des personnages (comme celui d'Alisa) sont supprimés ou bien créés (le rôle de Gilbert), resserrant la pression masculine sur Lucie qui se retrouve être la seule femme sur scène (hormis le chœur). Les notes suraigües de la scène de folie (qui tiennent par ailleurs plutôt de la tradition) sont délaissées en raison d'une écriture vocale plus aiguë sur l'ensemble de la scène, certaines scènes sont élaguées (comme le finale du premier acte). Ces modifications permettent à l'œuvre d'acquérir une nouvelle efficacité dramatique avec une versification qui permet à l'auditeur francophone de suivre toute la narration de façon très agréable.

C'est notamment grâce aux efforts des chanteurs que la prononciation devient intelligible, et c'est en premier lieu qui livre une prestation digne d'une stature internationale qui remporte haut la main toutes les gloires, maintenant en haleine au fil de ses phrases le déroulé de l'action. La voix est magnifiquement timbrée de bout en bout, avec un médium consistant (et parfait dans l'acoustique sèche du Grand Théâtre de Tours), un épanouissement rayonnant dans le haut de la voix et une agilité à toute épreuve dans les coloratures. Sa capacité à alléger le timbre dans les élans expressifs s'accompagne de sa finesse de jeu (quelle émotion se dégage rien que de sa main lorsqu'elle désigne son frère dans le sextuor !). L'ensemble de la voix, homogène et solide, avec une articulation parfaite sert l'action et permet à la chanteuse de brosser un portrait d'une femme prise en étau par un frère despote incarné par . Le baryton a une voix très bien placée, claironnante et il tient à faire passer sa voix au dessus de l'orchestre, ce qu'il parvient sans trop de difficultés, mais parfois de façon trop affirmée (alors qu'il tente par ailleurs de brosser l'angoisse d'un personnage se retrouvant tout aussi contraint que sa sœur d'agir contre sa volonté première), mettant en péril l'équilibre de la voix (notamment dans le duo entre Henri et Arthur où il ne s'agit que de virilisme brutal). Toutefois, sa belle capacité de legato et le délié dans la cabalette d'entrée sont une forme de signature vocale.

Le ténor livre en revanche une prestation en demi-teintes. La tessiture du rôle le met souvent face à ses limites notamment dans la dernière scène où tout se perd, autant le souffle que la diction (les coupures au milieu d'un mot, des liaisons non faites ou au contraire surexposées, des problèmes sur la fin des vers parfois prononcés et parfois pas) avec un accent très tranchant avec le reste de la distribution francophone. Avec des nasales ouvertes et les diphtongues incongrues, l'épuisement est notable au cours de la représentation.

Le rôle de Gilbert est double puisqu'il compromet à la fois Lucie et se fait le confident d'Henri. y est efficace, parvenant à rendre crédible un personnage dont les intentions ne sont pas nécessairement évidentes. en Raymond et en Arthur ponctuent leurs interventions de façon idoine.

La mise en scène oppose la blancheur de Lucie qui se retrouve entre quatre murs blancs d'un intérieur bourgeois et la noirceur des vêtements des personnages masculins. Les praticables servent à signifier des espaces de fermeture dans lesquels Lucie est maintenue jusqu'à la scène de folie de laquelle elle est exclue entièrement du chœur. C'est donc un parti pris plutôt intéressant, malgré une direction d'acteurs absente.

La direction musicale de est extrêmement bienveillante envers les chanteurs, avec des accompagnements touchants dans les cantilènes, et laissant les décibels trop expressifs dans la moments d'effervescence, quand bien même les chanteurs parviennent à donner le change.

Cette représentation démontre s'il le fallait, la nécessité absolue de pérenniser le rôle actif que jouent les théâtres lyriques français en dehors de la capitale. C'est pour cette raison que cette représentation a été précédée d'une allocution de représentants du personnel de l'orchestre et du théâtre de Tours ainsi qu'une dizaine de minutes de fosse vide afin de signifier que l'absence de maintien de subventions et de sécurité des emplois fragilisent la pérennité des activités du seul orchestre de musique lyrique et symphonique en région Centre ainsi que la vie culturelle française.

Crédit photographique : © Marie Pétry

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Tours. Grand Théâtre de Tours. 5-II-2023. Gaetano Donizetti (1797-1848) : Lucie de Lamermoor, opéra en trois actes sur un livret de Alphonse Royer et Gustave Vaëz. Mise en scène : Nicola Berloffa. Scénographe : Andrea Belli. Lumières : Valerio Tiberi. Costumes : Nicola Berloffa. Avec : Jodie Devos, Lucie ; Florian Sempey, Henri Ashton ; Matteo Roma, Edgard Ravenswood ; Kévin Amiel, Lord Arthur Bucklaw ; Jean-Fernand Setti, Raymond ; Yoann Le Lan, Gilbert. Chœur de l’Opéra de Tours et Orchestre Symphonique Région Centre-Val de Loire/Tours, direction : Joanna Slusarczyk

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