Les Liederkreis racontés aux petits et grands par Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid

La soprano Marie-Laure Garnier et la pianiste Célia Oneto Bensaid, en compagnie sur scène de la comédienne Élise Lhomeau, ont donné la première de leur « opus » consacré aux Liederkreis op. 39 de Robert Schumann, dans le cadre des concerts en famille de la Philharmonie de Paris.

La salle des concerts de la Cité de la musique, en ce dimanche après-midi, se peuple d'enfants, venus avec leurs parents écouter les Liederkreis de Robert Schumann. Voilà qui n'est pas banal : comment ce cycle appartenant au répertoire vocal du XIXᵉ siècle pourrait-il bien attirer et intéresser la jeunesse ? Les concerts Opus de la Philharmonie de Paris se veulent les rendez-vous de la musique et de l'histoire. Sur scène, musique, narration et projection audiovisuelle immergent les enfants et les plus grands dans l'univers où a été créée l'œuvre présentée, donnant des clés d'accès et de compréhension. En filigrane de chaque œuvre il y a le plus souvent une histoire. Et quelle histoire que celle de Robert et Clara Schumann ! Marie-Laure Garnier et Célia Oneto Bensaid, partenaires de longue date dans le répertoire de la mélodie et du lied, ont voulu la raconter musicalement, et pour cela ont concocté ce spectacle s'entourant de deux acteurs de la Comédie-Française, Élise Lhomeau en récitante qui sur scène incarne avec justesse et émotion Clara Schumann, et Alain Lenglet, qui prête sa voix « off » à Robert Schumann, tous deux personnages du livret écrit spécialement par Max Dozolme.

En quelques mots et des images à l'appui, comme en introduction la célèbre peinture de Caspar David Friedrich (le voyageur contemplant une mer de nuages), nous est présenté le mouvement romantique, dont Robert Schumann et son contemporain Joseph von Eichendorff, auteur des poèmes des Liederkreis, sont d'emblématiques représentants. Tous les ingrédients qui composent ce cycle, thèmes romantiques par excellence, la nature, la forêt, la nuit, le voyageur, la Loreleï… sont illustrés par de splendides vues de paysages, de forêts et de montagnes bordant les rives du Rhin, un torrent, un ciel étoilé. La musique commentée voyage de la scène à l'écran, des courts extraits de lieder à la Symphonie Rhénane. Puis Élise Lhomeau, alias Clara, raconte l'arrivée de Robert chez elle et son père, alors qu'elle n'a que 8 ans, la relation amoureuse qui se noue entre eux huit ans plus tard, sa vie de pianiste virtuose, et l'histoire douloureuse que l'on connait bien, qui aboutira au mariage contre la volonté paternelle. Ce sont les liens étroits entre l'œuvre et la vie du couple Schumann, ses joies et ses désespoirs, que les artistes mettent en lumière, pour préparer l'écoute. La réalisatrice Anne Delrieu a inclus dans son film des extraits muets du film Frühlingssinfonie de Peter Schamoni (1983) en illustration du récit, pour mieux nous plonger dans leur histoire. Celle-ci contée, il nous reste à écouter le cycle complet. Plus besoin d'images ni de mots, hormis le texte traduit des poèmes sur l'écran. Place à l'émotion musicale. Hormis ce jour-là un Mondnacht un peu pincé dans les aigus, mais la voix s'arrondit ensuite dans sa plénitude sonore, Marie-Laure Garnier chante avec grande sensibilité et de touchantes nuances ces douze lieder écrits à l'origine pour baryton (mais que bien des voix féminines ont interprétés par le passé – on pense notamment à Sena Jurinac, Janet Baker (notre préférence), Margaret Price…), soutenue par le piano expressif de Célia Oneto Bensaid. Lorsque le frémissant et palpitant Frülingsnacht s'achève, on emporte des images, des mots, des sons, et l'on se dit qu'au bout du compte l'art musical n'en est que plus incarné, plus accessible. Un spectacle à aller voir et entendre en famille, et pour ceux qui veulent découvrir le lied allemand. 

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