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David Hudry en prise directe avec l’image et le son

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Paris. Maison de la Radio et de la Musique. Studio 104. 4-II-2023. David Hudry (né en 1978) : Berlin, symphonie d’une grande ville (CM) ; film de Walter Ruttmann. Orchestre National de France, direction : Frank Strobel

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Expert en ciné-concerts, le chef allemand est à la tête du « National » pour la création mondiale de la « bande originale » signée du film muet de Walter Ruttmann, Berlin, symphonie d'une grande ville.

Réalisé en 1926, Berlin, symphonie d'une grande ville du cinéaste Walter Ruttmann (1887-1941) sort en salle la même année (1927) que Metropolis de Fritz Lang qui a, lui aussi, tenté bien des compositeurs. Dans ce film documentaire, au sens où il n'y a pas de narration, Ruttmann prend comme matériau vivant la ville de Berlin, capitale de la République de Weimar, en plein essor au sortir de la Grande Guerre qu'il observe au fil des heures de la journée, du petit matin blême à tard dans la nuit ; la « symphonie » en cinq actes amalgame tous les aspects de l'activité urbaine et draine certains thèmes (très) conducteurs. Celui du rail, des déplacements, de la circulation ; l'entrée dans la ville se fait en train, avec des images de locomotive et d'essieux en pleine fonction. Récurrentes également, ces images du trafic intra muros, avec les agents, panneaux en mains, qui règlent le flux de la circulation. Les voitures à cheval y côtoient l'automobile privée qu'on brique avant sa sortie en ville. L'acte I fait l'éloge de la machine, de l'usine et du travail à la chaîne : énergie cinétique des turbines, rotations de cylindres et autres engrenages bien huilés s'affichent en gros plans sur l'écran. L'acte II met en scène les Berlinois et toutes les couches sociales de la ville : des cireurs de bottes aux bourgeoises en chapeaux, des ouvriers d'usine à la classe dirigeante et ses sbires. On voit se lever les grilles des boutiques dont Ruttmann détaille quelques belles vitrines avec un œil tout à la fois critique et amusé. Après une visite au zoo et des allers-retours alertes entre le repas des singes et la pause-déjeuner des travailleurs, place aux sports (avec la recherche de vitesse et de performance), et aux divertissements : on prend des bains dans le lac et on décolle de l'aérodrome. La nuit venue, le rythme n'y est pas moins soutenu, l'activité frénétique et le flux toujours tendu.

Autant de composantes qui intègrent également la musique de . Le compositeur connaît le film dans les moindres détails. Jouant sur la synchronie du geste et du timbre autant que sur la complémentarité de l'image et du flux sonore, il organise sa propre symphonie (les vents vont par trois) sur la récurrence de motifs et de séquences qui rythment la trajectoire sonore. Si la musique débute avec le générique, dans des couleurs assez fondues, elle atteint assez rapidement son plein rendement lorsque la locomotive parade sur l'écran. Rythme roboratif et cuivres en fanfare, l'image sonore rutilante reviendra plusieurs fois au cours des cinq actes, entretenant la tension et la vitalité de l'action. Ancien batteur et fin rythmicien, donne à la batterie un rôle central, jouée en solo ou leader de tout l'orchestre. Si elle tire parfois la musique vers le jazz, rejointe par les chorus d'une contrebasse amplifiée, elle est aussi agent d'énergie pure, assumant tout à la fois la complexité d'une polyrythmie savante et les accélérations et autres montées en puissance avec une efficacité et un élan très communicatifs. Elle se fait oublier cependant durant ces séquences plus souriantes et poétiques (acte IV) au temps lisse et flottant où le rapport à l'image devient autre. On réentendra plusieurs fois cette mélopée de hautbois un rien nostalgique qui s'élève sur les résonances de la harpe et du piano ou sur une grille d'accords tournants.

L'écriture y est prodigieusement inventive et colorée, volontiers répétitive sous un flux d'images ininterrompu ou dûment contrastée, allant parfois vers le bruit (souffle des vents). L'aisance et la précision de impressionnent tout comme la réactivité d'un « National » en grande forme, goûtant semble-t-il avec délice cette expérience singulière du ciné-concert.

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