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Le Songe d’une nuit d’été de Britten à Rouen : un enchantement signé Robert Carsen

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Rouen. Théâtre des Arts. 27-I-2023. Benjamin Britten (1913-1976) : Le Songe d’une nuit d’été, opéra en trois actes sur un livret du compositeur et de Peter Pears d’après Shakespeare. Mise en scène : Robert Carsen, reprise par Emmanuelle Bastet. Scénographie et costumes : Michael Levine. Lumières : Peter van Praet. Chorégraphie : Matthew Bourne. Avec : Paul-Antoine Bénos-Djian, Oberon ; Soraya Mafi, Tytania ; Richard James-Neale, Puck ; Michael Mofidian, Theseus ; Lucile Richardot, Hyppolyta ; Eric Ferring, Lysander ; Samuel Dale Johnson, Demetrius ; Kitty Whately, Hermia ; Nardus Williams, Helena ; Joshua Bloom, Bottom ; Barnaby Rea, Quince ; Antony Gregory, Flute ; William Thomas, Snug ; Robert Burt, Snout ; William Dazeley, Traveling. Trinity Boys Choir. Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction : Ben Glassberg

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Comme par enchantement la mise en scène onirique du Songe d'une nuit d'été de , due à , n'a pas pris une ride depuis sa création en 1991 au festival d'Aix-en-Provence.

Après avoir parcouru bon nombre de scènes lyriques depuis plus de trente ans, l'inaltérable mise en scène de pose ses valises à l'Opéra de Rouen, toujours avec le même succès, sous la baguette de , portée par une distribution de jeunes et valeureux chanteurs pour la plupart anglophones.

Tout est permis quand on rêve, surtout lorsqu'un baume floral magique sème le trouble parmi de jeunes couples amoureux et que la réjouissante musique de Britten illumine la poésie de Shakespeare. choisit le lit plutôt que la forêt dans une transposition intemporelle. Le lit, domaine de tous les possibles (sommeil, amour, cauchemars) offrant un terrain de jeu idéal à cette galerie de portraits très typés, hauts en couleurs où se côtoient créatures fantastiques (elfes, fées), humains et artisans apprentis comédiens sous la houlette d'un lutin malicieux et gaffeur. Tous caractérisés scéniquement et musicalement avec une rigueur dramaturgique certaine, ces trois mondes correspondent à autant de langages musicaux : sonorités nocturnes aiguës affectées au surnaturel (célesta, clavecin, harpe, glissandos des cordes) ; résonances graves et rustiques pour les artisans (trombone, cuivres, percussions) ; tessitures complémentaires et registre instrumental médian pour le quatuor humain (legato, cordes et bois lyriques).

Intelligent dans sa conception, qui reste proche de la pièce de Shakespeare, Britten a ménagé dans son livret quelques coupures (notamment au début), qui rendent quelque peu abrupte l'apparition au III du roi Theseus et de l'amazone Hippolyta, entamant ainsi la structure cyclique tripartite de l'œuvre (réalité-rêve-réalité) mais centrant délibérément son propos sur le fantastique au II et la « mise en abyme » au III, qui mêlent à l'envi comédie et tragique, réel et rêve, farce et parodie. De ce polymorphisme complexe, Carsen parvient à tirer le meilleur parti avec poésie, élégance, mais aussi avec truculence et sensualité dont la métamorphose en âne, inspirée d'Apulée, constitue le moment emblématique. La mise en abyme au III, à partir de « Pyrame et Thisbé », fait écho au fantastique en mettant l'accent sur la farce qui caricature Ovide, cumulant tout à la fois l'imitation stylistique et la réécriture burlesque des dramaturges de l'époque élisabéthaine où le rire prend le pas sur l'émotion.

De la mise en scène proprement dite, on retiendra surtout la poésie et l'élégance de cet univers fantastique, la superbe scénographie sous l'ombre tutélaire de la lune omniprésente, ses couleurs, le dynamisme et l'à propos de la direction d'acteurs.

Face à ces prouesses théâtrales, il serait bien injuste de ne pas rendre hommage à la beauté de la partition de Benjamin Britten, toute en délicatesse, dont on soulignera la richesse et surtout la pertinence de l'instrumentation déjà évoquée, comme la beauté des timbres parfaitement rendue par la direction équilibrée, claire et nuancée de .

La distribution vocale est homogène, anglophone pour l'essentiel arguant d'une diction irréprochable et d'un engagement scénique sans faille. A commencer par celui de Puck, seul rôle non chanté, incarné par le désopilant . Homme de main d'Oberon, acrobate et maitre de cérémonie, il joue un rôle déterminant dans le déroulement de l'action sous la direction d'Oberon auquel le contre-ténor prête sa voix d'une douceur angélique au legato sublime. Face à lui, la soprano campe une Tytania pleine de fougue à laquelle son timbre quelque peu agressif et son vibrato bien contenu confèrent une autorité certaine. Parmi les artisans apprentis comédiens, le Bottom de tire aisément son épingle du jeu par sa basse profonde et sa faconde comique irrésistible, tandis que le ténor séduit musicalement et scéniquement dans son déguisement de travesti, entouré des excellents (Quince), (Snug) dans le rôle du lion et des plus discrets (Snout) et (Traveling). Du coté des couples humains, la soprano (Helena) remporte la palme par la beauté de sa voix comme par son investissement scénique face aux non moins solides (Demetrius) et (Lysander). (Hermia) reste un peu en retrait par son manque de puissance parfois couverte par l'orchestre . Michel Mofidian (Theseus) et (Hippolyta) n'apparaissent qu'à l'acte III en faisant toutefois forte impression tant par leur ramage que par leurs superbes costumes.

Le Trinity Boys Choir, omniprésent et sans reproches, complète cette belle distribution en mettant l'accent sur l'éternelle jeunesse de cette mythique production de Robert Carsen.

Crédit photographique : Marion Kerno / Agence Albatros

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Rouen. Théâtre des Arts. 27-I-2023. Benjamin Britten (1913-1976) : Le Songe d’une nuit d’été, opéra en trois actes sur un livret du compositeur et de Peter Pears d’après Shakespeare. Mise en scène : Robert Carsen, reprise par Emmanuelle Bastet. Scénographie et costumes : Michael Levine. Lumières : Peter van Praet. Chorégraphie : Matthew Bourne. Avec : Paul-Antoine Bénos-Djian, Oberon ; Soraya Mafi, Tytania ; Richard James-Neale, Puck ; Michael Mofidian, Theseus ; Lucile Richardot, Hyppolyta ; Eric Ferring, Lysander ; Samuel Dale Johnson, Demetrius ; Kitty Whately, Hermia ; Nardus Williams, Helena ; Joshua Bloom, Bottom ; Barnaby Rea, Quince ; Antony Gregory, Flute ; William Thomas, Snug ; Robert Burt, Snout ; William Dazeley, Traveling. Trinity Boys Choir. Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction : Ben Glassberg

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