Jean-Guihen Queyras se livre à travers les Suites de Bach

Dans ce livre d'entretiens atypique aux éditions Premières Loges, le violoncelliste vedette nous dit tout ou presque sur les six Suites pour violoncelle seul sans basse de Johann Sebastian Bach.

Emmanuel Reibel est un musicologue fort actif sur le front de l'édition, mais il garde une place relativement modeste dans cet ouvrage somme toute conséquent pour une parution de ce genre. Il laisse en effet largement la parole à Jean-Guihen Queyras dans leurs échanges, mais encore il lui laisse une large place pour des textes rédigés. On trouve ainsi trois types de chapitres : une série est consacrée aux entretiens, une autre aux différentes caractéristiques des Suites et de leur interprétation, abordées de manière méthodique mais toujours avec une vision personnelle. Et une troisième, faite d'assez courts textes en italique, nous fait vivre de l'intérieur différentes moments marquants où Queyras a joué des Suites en public. Les différents types de chapitres se mêlent, sans suivre l'ordre chronologique, mais l'agencement est bien réussi puisqu'on sort de cette lecture avec l'impression d'être totalement éclairé sur ce chef-d'œuvre, et de mieux connaître voire admirer cet interprète brillant qui, tel un Pau Casals contemporain, a fait de ce sommet du répertoire son œuvre fétiche. Beaucoup de souvenirs personnels parsèment également l'ouvrage, en faisant de fait une sorte d'autobiographie, partielle mais riche, au prisme des Suites pour violoncelles.

Du côté des Suites, on apprend à peu près tout : comment les comprendre et comment les jouer, mais aussi comment sont nées chez Jean-Guihen Queyras les diverses interprétations des Suites en public, avec notamment le projet Ikebana à Tokyo en 2002, le spectacle chorégraphique d'Anne Teresa De Kersmaeker créé en 2017, ou encore les vidéos réalisées pendant les confinements et mises à disposition en streaming. De passionnantes pages sont également consacrées à l'enregistrement de l'intégrale sortie en 2007 (et à l'éventualité d'en faire un deuxième…).

Alexandre Tharaud, son partenaire habituel en duo, avait choisi pour se raconter une forme très libre, littéraire, solitaire. Jean-Guihen Queyras, en le faisant à travers son approche des Suites de Bach, a trouvé une voie originale et autrement passionnante.