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Année César Franck : Trois nouvelles intégrales remarquables de l’œuvre pour orgue

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César Franck (1822-1890) : Douze pièces pour grand orgue. Olivier Vernet à l’orgue Aristide Cavaillé-Coll (1885) de l’abbatiale Saint-Etienne de Caen. 2 CD Ligia. Enregistrés en mai 2021 et mars 2022. Livret en français et en anglais. Durée totale : 142:00

César Franck (1822-1890) : Douze pièces pour grand orgue. Michel Bouvard au grand orgue Aristide Cavaillé-Coll (1889) de la basilique Saint-Sernin de Toulouse. 2 CD La Dolce Volta. Enregistrés en février 2022. Livret en français et en anglais. Durée totale : 150:00

César Franck (1822-1890) : Douze pièces pour grand orgue ; Variations symphoniques en fa dièse mineur (transcription Jörg Abbing) ; Symphonie en ré mineur (transcription Heinrich Walther). Jean Luc Thellin à l’orgue Aristide Cavaillé-Coll (1865) de l’église Saint-Maurice de Bécon-Courbevoie/Paris et à l’orgue Pierre Schyven (1888) de la salle de la philharmonie de Liège (Belgique). 4 CD BY Classique. Enregistrés à la Salle philharmonique de Liège en décembre 2021 et à l’église de Bécon-Courbevoie en mai 2022. Livret en français et en anglais. Durée totale : 241:44

 

À l'occasion du bicentenaire de la naissance de , paraissent simultanément trois intégrales de son œuvre pour orgue. L'écoute de ces nouvelles interprétations de haut vol permet de mieux sonder encore les secrets de ces douze pièces mythiques.

à l'orgue Cavaillé-Coll de l'église Saint-Etienne de Caen

L'œuvre de Franck manquait à l'abondante discographie d', riche de plus de 110 CD. Son attente a sans doute permis une intériorisation de cette musique, une maturation sublimée sur les sonorités exceptionnelles de l'orgue de Caen. Depuis pas mal de temps déjà les musicologues et les interprètes se sont penchés sur divers paramètres d'interprétation concernant la musique d'orgue de , en particulier pour les registrations des pièces et le tempo à adopter, au plus près des intentions de l'auteur. Pour les registrations on sait que Franck était attaché à tout ce que l'orgue pouvait lui apporter de couleurs et d'ensemble de jeux. Pour cela les orgues de Cavaillé-Coll sont les plus adaptés, représentant le sommet de l'art en la matière à l'époque du romantisme en France et dans le monde. Franck lui-même bénéficia d'un tel orgue à Saint-Clotilde dès 1858 qui marqua profondément son inspiration. C'était un orgue particulier, unique, dont il est bon d'en connaitre les caractéristiques pour comprendre les propositions de l'auteur.

Nous sommes là au cœur des préoccupations d' qui a choisi l'un des plus beaux instruments d' conservé dans son état original, celui de l'église Saint-Etienne de Caen. Les registrations indiquées par sur les manuscrits puis dans la première édition Durand en format à la française étaient liées à l'instrument de Sainte-Clotilde, sauf pour les Trois pièces de 1878, composées spécialement pour l'inauguration de l'orgue du Palais du Trocadéro à Paris. Olivier Vernet adapte judicieusement certains équilibres, notamment avec le clavier de Récit, plutôt confidentiel sur l'orgue de Franck. La prise de son en parfait équilibre avec l'acoustique du lieu offre une qualité d'écoute tout à fait exceptionnelle, chaque plan de l'orgue étant à la fois distinct et fondu en une masse orchestrale des plus agréables. Se pose aussi la question des tempos dans toutes ces œuvres qui a initié plusieurs travaux musicologiques dont ceux proposés par Joris Verdin proposant des durées de pièces plus courtes qu'à l'habitude. Certains manuscrits de Franck corroborent cette thèse. Pour autant Olivier Vernet prend le recul nécessaire en relativisant les choses afin d'exprimer les textes comme il les ressent. Le résultat est des plus réussis, entre jeu posé, maturité, fougue… Tout un ensemble de contrastes fait de cette version une nouvelle référence dans une discographie ancienne et récente des plus pléthoriques, l'une des plus inspirée et portée par la plénitude.

à l'orgue Cavaillé-Coll de la basilique Saint-Sernin de Toulouse

Une autre approche passionnante nous est offerte par sur l'orgue Cavaillé-Coll de la basilique Saint-Sernin de Toulouse. Cet interprète, professeur d'orgue au conservatoire de Toulouse et titulaire de ce célèbre instrument souhaitait marquer l'année Franck par sa lecture des douze pièces. Ce qui est passionnant et sans vouloir comparer une version par rapport à une autre c'est de constater qu'il s'agit là d'une nouvelle aventure musicale au sommet. nous explique qu'il joue cette musique depuis 40 ans et qu'il la souhaite libre et spontanée, comme au concert. Il nous parle aussi de la liberté qu'il prend par rapport à cet orgue de Saint-Sernin, réputé pour sa puissance et son « tutti » sans doute l'un des plus beaux qui soit. Un tel trésor entre ses mains ne doit pas être bridé, aussi laisse-t-il venir l'instrument qui s'illumine ou s'épanche tout au long des pages musicales. Il adopte pour sa part des tempos raisonnables afin que ne disparaisse pas tout ce qui fait l'essence même de cette musique, faite d'innombrables subtilités, en particulier dans les changements de climats, préparant l'auditeur à l'apparition d'un nouveau thème.

Voici une version qui a du souffle, dans le souvenir des caractéristiques même du Cavaillé-Coll de Sainte-Clotilde, Michel Bouvard fait un usage discret (!) des jeux en chamade et de la fameuse contrebombarde de 32 pieds réservée aux finales tel un roulement de timbale orchestral… Le livre-disque est remarquablement présenté avec une interview de l'artiste. La prise de son, elle, nous plonge dans un univers céleste où les intuitions et les inspirations de Michel Bouvard excellent. C'est une intégrale de grande classe en cette année Franck.

à l'orgue Cavaillé-Coll de l'église Saint-Maurice de Bécon-Courbevoie et à l'orgue Schyven de la Salle de la philharmonie de Liège

Troisième intégrale d'orgue sortie quasiment simultanément que les deux précédentes, celle de qui propose les douze pièces sur l'orgue Cavaillé-Coll de l'église Saint-Maurice de Bécon-Courbevoie (Hauts-de-Seine) construit en 1865. Tout comme les deux autres instruments précédemment cités, celui-ci présente un aspect très authentique, même si comme beaucoup d'autres quelques modifications vinrent l'abimer un temps, heureusement corrigées par la suite. Il s'agit d'un orgue à trois claviers de moindre taille que les grands 16 pieds de basilique. Par cette version on découvre différemment certaines œuvres qui sonnent particulièrement bien comme la Pastorale ou la Fantaisie en Ut. La magie opère à chaque fois et l'on voit combien chaque nouvelle écoute semble être une première. Vraiment, on peut encore enregistrer Franck, à l'instar de Bach ou de Grigny, autres grands génies. On apprécie le jeu ferme et lumineux de tout au long de ces riches pages dans un élan d'inspiration, net et plein.

Ce qui différencie ce coffret des autres présentés, c'est la présence de deux transcriptions d'œuvres orchestrales de César Franck. La Symphonie en ré mineur et les Variations symphoniques pour piano et orchestre. La symphonie achevée en 1888 est proposée ici dans une transcription pour orgue de datant de 1987. Cette transcription met au grand jour les connivences orchestrales et organistiques de Franck. Ne disait-il pas lui-même « Mon orgue c'est un orchestre ! ». Pour ces deux adaptations, Jean-Luc Thellin a choisi l'orgue Pierre Schyven (1888) de la Salle de la Philharmonie de Liège en Belgique. Sur cet instrument on retrouve les fameuses Variations symphoniques pour piano et orchestre, à la suite de la symphonie. Pour ces variations composées en 1885, c'est qui en propose une judicieuse adaptation, fondant à la fois le piano et l'orchestre en un discours organistique, conservant toutes ses qualités symphoniques. A l'écoute de ces deux œuvres on est frappé sans le discours musical par de nombreuses analogies harmoniques et mélodiques, de blocs sonores également depuis les pupitres de l'orchestre jusqu'aux divers plans sonores de l'orgue. L'instrument de la philharmonie, symphonique à souhait est idéal pour ces musiques. On oublie même parfois l'essence même de la matière sonore… orgue ou orchestre ? Ce dernier CD regroupant ces deux œuvres est un bonus précieux qui plonge encore plus l'auditeur dans l'orgue franckiste. Jean-Luc Thellin signe à son tour une version de référence.

Afin de mieux appréhender encore ces trois approches, on pourra écouter par exemple tour à tour les trois versions des dernières mesures du Choral n°3, ultime testament musical du compositeur. On constate combien chaque interprète à sa manière apporte une émotion palpable, signe d'une grande réussite musicale, à la suite de quelques illustres prédécesseurs : A. Marchal, J.J. Grunenwald, A. Isoir, M.C. Alain, J. Langlais, J. Demessieux, J Costa…

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César Franck (1822-1890) : Douze pièces pour grand orgue. Olivier Vernet à l’orgue Aristide Cavaillé-Coll (1885) de l’abbatiale Saint-Etienne de Caen. 2 CD Ligia. Enregistrés en mai 2021 et mars 2022. Livret en français et en anglais. Durée totale : 142:00

César Franck (1822-1890) : Douze pièces pour grand orgue. Michel Bouvard au grand orgue Aristide Cavaillé-Coll (1889) de la basilique Saint-Sernin de Toulouse. 2 CD La Dolce Volta. Enregistrés en février 2022. Livret en français et en anglais. Durée totale : 150:00

César Franck (1822-1890) : Douze pièces pour grand orgue ; Variations symphoniques en fa dièse mineur (transcription Jörg Abbing) ; Symphonie en ré mineur (transcription Heinrich Walther). Jean Luc Thellin à l’orgue Aristide Cavaillé-Coll (1865) de l’église Saint-Maurice de Bécon-Courbevoie/Paris et à l’orgue Pierre Schyven (1888) de la salle de la philharmonie de Liège (Belgique). 4 CD BY Classique. Enregistrés à la Salle philharmonique de Liège en décembre 2021 et à l’église de Bécon-Courbevoie en mai 2022. Livret en français et en anglais. Durée totale : 241:44

 
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