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Athènes. Opéra national de Grèce. Guiseppe Verdi (1813-1901) : Otello, opéra en 4 actes (1886) sur un livret d’Arrigo Boito, d’après le drame éponyme de Shakespeare. Mise en scène : Robert Wilson. Scénographie : Serge von Arx. Costumes : Jacques Raynaud et Davide Boni. Lumières : Marcello Lumaca. Vidéo : Tomasz Jeziorski. Avec : Aleksandrs Antoņenko, Otello ; Tassis Christoyannis, Iago ; Cellia Costea, Desdemone ; Dimitris Paksoglou, Cassio ; Yannis Kalyvas, Roderigo ; Petros Magoulas, Lodovic ; Marinos Tarmanas, Montaro ; Violetta Lousta, Emilia ; Pavlos Sampsakis, le Héraut. Chœur d’adultes et Chœur d’enfants du GNO. Orchestre du GNO, direction : Stathis Soulis. Enregistré Salle Stavros Niarchos entre le 2 et le 5 mars 2022 par GNO TV.
En proposant, pour cette première collaboration avec l'Opéra national de Grèce, une lecture d'Otello d'une admirable beauté formelle, spoliée cependant de toute composante émotionnelle, Robert Wilson laisse une large place à la musique superbement servie par une distribution superlative et un orchestre haut en couleurs.
On connait de longue date les atouts et les faiblesses des mises en scène de Robert Wilson inspirées du théâtre traditionnel japonais : scénographie dépouillée, magnifiques éclairages dans les teintes plutôt froides, contre-jours subtils, gestique lente minimaliste et stylisée, déplacements parcimonieux confinant le plus souvent à l'immobilisme, maquillages exubérants qui simulent des masques sans expression faciale, costumes épurés. Toutes caractéristiques pouvant s'intégrer avec justesse dans des œuvres à haute teneur symbolique, mais qui trouvent rapidement leurs limites dans les opéras chargés de passion comme l'Otello de Giuseppe Verdi où règnent en maitres, l'héroïsme, la haine, l'innocence, la jalousie, la vengeance, l'amour et la mort. Autant dire que pour cette nouvelle production de l'Opéra national d'Athènes (en collaboration avec le festival de Pâques de Baden-Baden) Robert Wilson rate clairement sa cible avec cette mise en scène intemporelle et déshabitée qui confine rapidement à l'ennui… Pour l'heure les éclairages choisis font la part belle au blanc et au bleu, la scénographie se limite à quelques arcatures en fond de scène qui vont rapidement se disloquer au fur et à mesure de la folie grandissante du héros pour laisser place à un escalier ascendant figurant la jalousie graduelle du Maure. Les accessoires sont limités au lit blanc de Desdemone, les costumes sont noirs à l'exception d'une robe blanche immaculée pour la malheureuse héroïne vouée à une mort imméritée. L'intrigue aborde la revanche prise par Iago, un enseigne au service d'Otello. Iago déteste Otello pour l'avoir privé d'un avancement en promouvant Cassio à sa place. Dès lors Iago complote pour convaincre Otello de l'infidélité de son épouse Desdemone. Otello tombe dans le piège et rongé par la jalousie, étrangle Desdemone avant de se suicider.
Si Zubin Mehta à Baden-Baden avait choisi de se couler dans le moule de la mise en scène wilsonienne par une direction mesurée, toute apollinienne, des Berliner Philharmoniker, aujourd'hui Stathis Soulis fait un choix bien différent en conduisant l'Orchestre de l'Opéra national de Grèce avec une fougue dionysiaque et un phrasé très narratif qui prennent en charge à eux seuls, et avec quel éclat, la dramaturgie malheureusement laissée pour compte par l'apathie de la mise en scène.
Prisonniers de leur immobilité et privés du secours du jeu théâtral, les chanteurs figés à l'avant-scène sont condamnés à l'excellence, et force est d'avouer que dans le cas présent ils assument crânement leur difficile tâche. A commencer par Aleksandrs Antoņenko, habitué du rôle-titre qui fait valoir avec brio sa tessiture et son endurance de « tenori di forza » : puissance, autorité, phrasé ciselé, legato, lyrisme et diction en font un Otello incontestable. Face à lui, la Desdemone de Cellia Costea séduit de la première à la dernière note, bouleversante dans l'acte IV dans la « Romance du Saule » et l'« Ave Maria » par la beauté lumineuse de son timbre, par la souplesse, les couleurs et l'élégance de son chant , comme par l'étendue de son ambitus assurant des graves bien timbrés. En Iago le baryton Tassis Christoyannis n'est pas en reste. Reconnu depuis longtemps comme un récitaliste émérite, il confirme ici ses qualités vocales et théâtrales dans le court espace de liberté que lui accorde Robert Wilson : irréprochable vocalement avec son baryton noir et parfaitement convaincant scéniquement par ses mimiques et son grimage en Méphistophélès diabolique et manipulateur. Dimitris Paksoglou incarne un Cassio assez discret. Le chœur du GNO excellent et les comprimarii formidables complètent le casting de cette belle production qui nous laisse toutefois comme un goût d'incomplétude…
Crédit photographique: © Lucie Jansch
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Athènes. Opéra national de Grèce. Guiseppe Verdi (1813-1901) : Otello, opéra en 4 actes (1886) sur un livret d’Arrigo Boito, d’après le drame éponyme de Shakespeare. Mise en scène : Robert Wilson. Scénographie : Serge von Arx. Costumes : Jacques Raynaud et Davide Boni. Lumières : Marcello Lumaca. Vidéo : Tomasz Jeziorski. Avec : Aleksandrs Antoņenko, Otello ; Tassis Christoyannis, Iago ; Cellia Costea, Desdemone ; Dimitris Paksoglou, Cassio ; Yannis Kalyvas, Roderigo ; Petros Magoulas, Lodovic ; Marinos Tarmanas, Montaro ; Violetta Lousta, Emilia ; Pavlos Sampsakis, le Héraut. Chœur d’adultes et Chœur d’enfants du GNO. Orchestre du GNO, direction : Stathis Soulis. Enregistré Salle Stavros Niarchos entre le 2 et le 5 mars 2022 par GNO TV.