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Une Enchanteresse de Tchaïkovski en manque de charisme à Francfort

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Francfort-sur-le-Main. Opernhaus. 4-XII-2022. Piotr Ilitch Tchaikovski (1840-1893) : L’enchanteresse (Tcharodeika), opéra en quatre acte sur un livret d’Ippolit Shpazhinsky d’après sa pièce. Mise en scène : Vasily Barkhatov ; décors : Christian Schmidt ; costumes : Kirsten Dephoff. Avec : Asmik Grigorian (Nastasia dite Kuma) ; Iain MacNeil (Le Prince) ; Claudia Mahnke (La Princesse) ; Alexander Mikhailov (Youri) ; Frederic Jost (Mamyrov/Kudma)… Chœur de l’Opéra de Francfort ; Frankfurter Opern- und Museumsorchester ; direction : Valentin Uryupin

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Même ne parvient pas à rendre vivant son personnage, dans une mise en scène de en panne d'inspiration.

Il y a deux bonnes raisons de sortir du purgatoire L'Enchanteresse, l'opéra composé par Tchaïkovski avant La Dame de Pique : d'une part, le fait que le compositeur lui-même le tenait pour sa plus grande œuvre ; d'autre part, et c'est sans doute décisif aujourd'hui, le personnage féminin central, qui n'est ni une magicienne ni une séductrice, mais une femme forte qui sait faire ses propres choix et ne s'en laisse pas détourner. Hélas, c'est bien tout : le problème commence avec le livret, qu'un obscur dramaturge flatté par le choix de Tchaïkovski a adapté de sa propre pièce – l'idée générale n'est pas très subtile, mais l'organisation des scènes, le dessin des personnages et surtout l'écriture de détail sont plus maladroits encore ; chacun peut se faire par le disque une opinion sur la musique, mais on peine à y voir une inspiration égale à celle de Iolanta, d'Onéguine ou de La Dame de Pique.

Pour cette nouvelle production de l'Opéra de Francfort, l'interminable scène de taverne qui constitue l'acte I se traîne d'autant plus que la mise en scène de est terriblement malhabile : il y a beaucoup de monde sur scène, c'est l'œuvre qui veut ça, mais le metteur en scène ne parvient pas à structurer l'espace scénique et les groupes d'acteurs de façon à clarifier ce qui s'y passe ou simplement à dessiner les personnages – on passe son temps à chercher où est la personne qui chante, et même Kuma, l'enchanteresse, ne parvient pas à prendre véritablement vie.

C'est largement sur les épaules d', qui a conquis le monde lyrique en quelques années à peine, que repose l'intérêt de la soirée, mais même cette remarquable actrice-chanteuse semble ici très prudente, sans rien perdre de la beauté de sa voix toujours frappante, mais sans faire voir et entendre le charisme que le livret prête à son personnage. Barkhatov recourt à la fois à des symboles mythologiques, les loups par exemple, et à une identité visuelle résolument contemporaine, où les scènes au palais du prince convoquent l'imagerie vue et revue des oligarques russes, mauvais goût bourgeois et icônes bien en vue. Mais il ne suffit pas de décors et costumes contemporains, même inventifs et variés comme ils le sont ici, pour rendre présent, actuel, le contenu d'une œuvre : ce n'est qu'un habillage, pas une interprétation.

La direction très prudente, sans énergie, de semble se dérouler en parallèle des chanteurs plutôt que de les accompagner. Dans le couple parental, le Prince est malade pour cette première, sans démériter pour autant ; la Princesse, elle, est , qui fait partie de la troupe de Francfort depuis quinze ans et obtient une véritable ovation de son public : son incarnation est réellement impressionnante, aussi bien dans la douleur que dans les éclats véristes, mais on se demande tout de même si, dans ces éclats, un peu plus de sobriété n'aiderait pas la partition. Leur fils, lui, vient directement du Mariinsky : Alexander Mikhailov est l'un des seuls avec Grigorian à avoir déjà chanté cet opéra. Il commence bien, avec un timbre frappant et un lyrisme appréciable, mais semble éprouvé dès le troisième acte.

La fin de l'opéra, chœur de déploration on ne peut plus stéréotypé suivi d'un énième éclat de grand-guignol, semble n'en pas finir et c'est avec grand soulagement, au bout de presque quatre heures, qu'on voit le rideau se baisser enfin définitivement. Les compositeurs, décidément, ne sont pas toujours les meilleurs juges de leurs œuvres.

Crédits photographiques © Barbara Aumüller

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