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Marcos Morau, chorégraphe espagnol et directeur artistique de La Veronal, qui tourne dans le monde entier, propose en novembre à l'Opéra de Lyon et en décembre à La Villette à Paris une relecture du conte de La Belle au bois dormant pour le Ballet de l'Opéra de Lyon. Pour l'ancien chorégraphe associé du Théâtre de Chaillot, qui a déjà été invité par de nombreuses compagnies françaises comme le Ballet du Rhin ou le Ballet de Lorraine, c'est un nouveau défi.
ResMusica : Où et quand avez-vous étudié pour devenir chorégraphe ?
Marcos Morau : Je ne suis pas danseur, mais j'ai étudié la chorégraphie à Barcelone et à New York, dans le cadre d'un programme pour jeunes chorégraphes, où j'ai été en contact avec différentes voix chorégraphiques. J'ai également étudié la photographie dans ma ville natale, Valencia.
RM : Depuis combien de temps dirigez-vous La Véronal ?
MM : J'ai créé la compagnie et je la dirige depuis 2005. C'est une compagnie indépendante basée à Barcelone qui regroupe des disciplines comme la danse, le cinéma, la littérature et la photographie. Nous avons tourné avec nos spectacles sur les plus grandes scènes d'Europe.
RM : De quelle manière partagez-vous votre temps entre La Véronal et les commandes des autres compagnies ?
MM : Ce n'est pas facile, car j'ai l'habitude d'accompagner La Véronal en tournée. J'ai une équipe exceptionnelle qui m'aide sur le plan artistique, des producteurs et des assistants qui prennent tout en charge quand je suis absent. La Véronal est ma compagnie, mon projet et mon rêve. Travailler en dehors de La Véronal représente un autre défi à relever. J'adore gérer les deux.
« L'Espagne est un pays plein de traditions, qui est relié au folklore et à la religion. »
RM : Dans certaines de vos créations comme Voronia ou Sonoma, la religion, l'armée et les régimes autoritaires sont très présents, ainsi que l'histoire de l'Espagne. D'où vient cette inspiration ?
MM : J'ai étudié dans une école catholique et mon éducation a été très influencée par cette scolarité. C'est important de connaître le lieu de votre formation, vos origines et votre éducation. Je suis très inspiré par Luis Buñuel ainsi que par Picasso, Dali ou Almodóvar. Beaucoup de ces artistes sont reliés à la culture traditionnelle espagnole, et l'ont remise en question. L'Espagne est un pays plein de traditions, qui est relié au folklore et à la religion. Il offre une grande diversité sur le plan culturel. C'est un pays fort en termes de traditions, de culture et nous avons beaucoup de spécificités qui nous rendent uniques.
RM : Dans la plupart de vos créations, vous signez également la scénographie, les costumes et la lumière. Est-ce important pour vous de construire votre univers artistique ?
MM : Oui, il est important pour moi de veiller à chaque aspect de la création. Je suis entouré d'une équipe talentueuse, mais j'aime à les guider et à les faire adhérer à mon idée. Je travaille en introspection, dans un premier temps, puis je leur explique ma vision et comment nous allons la réaliser. Pour cette nouvelle pièce pour le Ballet de l'Opéra de Lyon, je me suis entourée de ma fidèle équipe artistique, car je souhaite continuer à travailler avec eux.
« Ce qui m'intéresse dans La Belle au bois dormant, c'est ce qui se passe pendant qu'Aurore dort. »
RM : Comment voyez-vous La Belle au bois dormant dans notre monde contemporain ?
MM : C'est une histoire qui n'est pas vraiment liée à notre époque, mais avec d'autres époques. Je veux ne retenir que certains aspects les plus intéressants du conte de fées. Je ne cherche pas à reproduire l'histoire, mais plutôt à générer une nouvelle vision à partir de ce conte. Comment Aurore grandit et comment le monde change autour d'elle. C'est pourquoi je me suis efforcé de créer une histoire à partir de ma vision et de l'univers artistique dont j'aime m'emparer autour des personnages et de la musique de Tchaïkovski. Le spectacle tourne autour de la question : Qu'est-ce cela signifie de se réveiller dans notre monde contemporain ?
RM : Que faites-vous du conte de La Belle au bois dormant ? Le public sera-t-il en mesure de reconnaître l'histoire qu'il connaît ?
MM : Non, pas du tout, car je pense qu'il est temps d'en changer ou, pourquoi pas, de créer quelque chose à travers ma vision. Nous pourrons bien sûr retrouver les moments clés du conte : la naissance d'Aurore, sa présentation au Royaume, mais tout cela comme un rêve, en dehors de la réalité. Les danseurs interpréteront tous les personnages. Le public reconnaîtra l'essence du personnage, mais pas le personnage en lui-même. Quand le temps s'arrête parce que vous dormez, ce qui m'intéresse c'est ce qui se passe pendant cet intervalle. L'ensemble du spectacle paraîtra être comme dans un rêve.
RM : Les danseurs porteront des crinolines. Est-ce un accessoire qui restreint leurs mouvements ou développe leur créativité ?
MM : C'est une restriction que nous utilisons pour trouver de nouvelles façons de bouger. Nous utilisons un accessoire très ancien avec un langage contemporain. Il va y avoir de magnifiques costumes, réalisés avec plusieurs couches de tissus somptueux. Quant à la scénographie, elle est conçue autour du concept de « non-lieu » qui peut être beaucoup de lieux, mais n'est aucun d'entre eux. Il y a quand même une porte et un escalier pour que le personnage puisse s'échapper…
Propos recueillis et traduits de l'anglais par Delphine Goater