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Munich. Nationaltheater. 29-X-2022. Roméo et Juliette. Chorégraphie et mise en scène : John Cranko ; décors et costumes : Jürgen Rose. Avec Laurretta Summerscales (Juliette), Osiel Gouneo (Roméo), António Casalinho (Mercutio), Andrea Marino (Benvolio), Alexey Dobikov (Tybalt), Matteo Dilaghi (Paris)… Bayerisches Staatsorchester ; direction : Robertas Šervenikas
Reprise à Munich par le Ballet de Bavière du Roméo et Juliette de John Cranko, un classique des scènes allemandes. Lauretta Summerscales en Juliette passe à côté du rôle, mais c'est toute la représentation qui semble comme figée.
Inconnu ou presque en France, le Roméo et Juliette de John Cranko, créé à Venise en 1958 et remodelé à Stuttgart en 1962 est en Allemagne un succès inégalé, et d'ailleurs parfaitement mérité, à Stuttgart, Munich ou Berlin. Pour cette reprise au Ballet de Bavière, les vicissitudes de la troupe ces dernières années font que les deux premières distributions sont composées pour l'essentiel de prises de rôles. En cette deuxième soirée, c'est Laurretta Summerscales, un des rares points fixes de la troupe pendant les années Zelensky, qui partage l'affiche avec Osiel Gouneo, venu comme elle de l'English National Ballet en 2017.
Il serait trop facile de faire porter toute la représentation par ses seuls protagonistes, dans un ballet qui permet au contraire de voir vivre toute une compagnie. Et c'est bien là le problème. Il suffit de voir la scène où les chefs de partis Capulet et Montaigu se réconcilient de bien mauvais gré : on devrait sentir la haine et les mauvais sentiments sourdre de chaque regard et de chaque geste, on ne voit ici qu'une raideur morne. La médiocrité orchestrale, ce soir là, n'aide pas la danse à parvenir à sa plénitude théâtrale, mais il n'y a pas que cela. Prenons la mort de Mercutio : António Casalinho, jeune et brillant lauréat du Prix de Lausanne en 2021, danse avec vivacité et élégance, mais on ne comprend pas pourquoi, dès qu'il est touché par Tybalt, il va à l'encontre de la vision de Cranko qui souhaitait en faire un fanfaron jusqu'à l'ultime seconde ; son exagération dramatique est d'autant plus pénible que, juste après, la lamentation de la comtesse Capulet sur le corps de Tybalt tombe elle aussi dans le grand-guignol.
Des deux protagonistes, Osiel Gouneo est celui qui s'en sort le mieux dans cette version qu'il découvre – mais il ne semble pour autant pas avoir réussi à y être assez à l'aise pour laisser libre cours à sa technique éblouissante et à sa liberté d'artiste, telles que nous les avions vues il y a quelques années dans un mémorable Balanchine. Laurretta Summerscales avait déjà dansé Juliette dans la version de Noureev à l'English National Ballet ; faute de pouvoir faire des comparaisons, on ne peut que constater dès la scène d'entrée avec la nourrice qu'elle passe à côté du personnage. Alors qu'elle devrait incarner une petite fille qui fait des blagues enfantines à sa nourrice, Summerscales paraît déjà adulte, trop sérieuse, trop peu véloce. Jusqu'à la fin, jusqu'à la scène du tombeau, l'émotion ne parvient pas à s'installer, dans une version pourtant si apte à traduire en danse tout le parcours émotionnel de Juliette. Un bon Tybalt (Alexey Dobikov, également une prise de rôle) ne suffit pas à compenser la faiblesse théâtrale d'une soirée qui laisse pour le moins perplexe pour la suite.
Crédits photographique : © Katja Lotter (autre distribution, 2022).
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Munich. Nationaltheater. 29-X-2022. Roméo et Juliette. Chorégraphie et mise en scène : John Cranko ; décors et costumes : Jürgen Rose. Avec Laurretta Summerscales (Juliette), Osiel Gouneo (Roméo), António Casalinho (Mercutio), Andrea Marino (Benvolio), Alexey Dobikov (Tybalt), Matteo Dilaghi (Paris)… Bayerisches Staatsorchester ; direction : Robertas Šervenikas