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Programme « Halloween » avec Anna Prohaska, Nicolas Altstaedt et Francesco Corti

À Luxembourg, dans un programme apparemment disparate, mais de la plus grande cohérence, , et conjuguent virtuosité vocale et instrumentale au service du baroque et de la Renaissance comme du contemporain.

On le sait maintenant, la soprano Anna Prohaksa aime les grands écarts, les sauts temporels et les programmes disparates. C'est ainsi à un perpétuel dialogue entre le passé et le présent qu'elle convie son public pour un passionnant voyage, voyage fait de parallèles surprenants et évocateurs, de contrastes à la fois déroutants et inspirants. Donner une cohérence à un programme qui fait alterner des compositeurs nés au XVI e siècle avec des musiciens encore en vie, et cela en passant par la case Haendel, et , reconnaissons que l'initiative n'est pas banale. La recette de ce que certains pourraient prendre pour un sympathique fourre-tout consiste, en fait, à trouver une thématique commune à des œuvres séparées aussi bien aussi bien esthétiquement que chronologiquement, en se plongeant dans les univers métaphysiques qui ont inspiré les artistes de tous les temps. Ainsi, si chacune des deux parties du concert s'ouvre par un extrait des Chants d'Akhmatova de , c'est pour bien mettre en exergue le lien que la grande poétesse russe avait vu entre la Florence ancienne de Dante, et le Saint-Pétersbourg de sa propre époque. Le fil qui relie le passé au présent est également fourni par l'exploration de répertoires issus de textes vétérotestamentaires, dont la thématique donne leur unité aux séquences musicales du concert. La cantate de Gebet des Hexe von Endor, créée à Berlin en décembre 2021, fait ainsi écho aux deux extraits de l'oratorio Saul de Haendel. Si « Author of peace » est chanté par le personnage de Merab, qu'a déjà interprété Anna Prohaska à la scène, « Infernal spirits » est bien l'air attribué à la sorcière. Période de Halloween oblige, les autres extraits haendéliens font entendre d'autres magiciennes – Armida de Rinaldo, puis Morgana d'Alcina – qui viennent compléter la galerie de figures maléfiques peuplant la soirée. La pièce-maîtresse de ce concert est constituée de la scène « Schwester Tod », réécrite par le compositeur à partir de son opéra Babylon. Dans un dialogue haletant, le personnage d'Inanna tente de convaincre la Mort, dont le texte est dit par au violoncelle, de lui rendre l'amour de sa vie. La scène s'achève sur de folles vocalises qui justifient pleinement, pour ce morceau, le recours à la voix de soprano léger.

Les interprètes de la soirée sont tous trois époustouflants à la fois de vérité et de virtuosité. , soliste à plusieurs reprises, est particulièrement brillant dans la « La marche des Scythes » de , et il donne tout son panache à l'accompagnement du « Vo' far guerra » d'Armida, une des plus célèbres improvisations haendéliennes. Souvent en duo avec la soprano, le violoncelle de sait lui aussi trouver les accents d'expressivité requis par les pages pour le moins ardues qu'il est chargé d'interpréter. , enfin, sait trouver les mille couleurs nécessaires pour rendre vivants les textes dont elle a la charge. Son soprano léger mais toujours expressif n'a jamais été aussi beau, et l'on s'extasie de la qualité de ce chant. Qu'attend-on pour lui faire interpréter dans son intégralité la Lulu de Berg, dont elle n'a jusqu'à présent chanté que la suite orchestrale ? Elle serait aujourd'hui de cet opéra l'interprète idéale.


Crédit photographique : , Nicolas Altstaedt et © Eric Engel

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