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Le premier récital Szymanowski de Zimerman au disque : prodigieux !

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Karol Szymanowski (1882-1937) : Préludes op. 1 n° 1, n° 2, n° 7, n° 8 ; Masques op. 34 ; Mazurkas op. 50 n° 13 à n° 16 ; Variations sur un chant populaire polonais op. 10. Krystian Zimerman, piano. 1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré au Fukuyama Hall of Arts & Culture, au Japon en juin 2002 et au Tivoli Concert Hall de Copenhague, en mai 1994 (Masques). Notice en anglais et allemand. Durée : 70:28

 

Les Clefs d'or

Il y est venu ! Est-ce le début d’une “aventure Szymanowski” – près de cinq heures de musique – que nous promet le pianiste polonais ? Il grava déjà les Mythes et quelques arrangements avec la violoniste Kaja Danczowska. Bien qu’il nous offre, aujourd’hui, une sélection au sein de quelques opus, il nous est permis d’espérer…

Il est frappant de constater que le catalogue des œuvres de Szymanowski révèle une telle proportion de chansons, de mélodies, de pièces chorales : elles composent la moitié de son catalogue. Cette âme dédiée à la voix s’impose – au sens propre, lorsque Zimerman s’accompagne imperceptiblement – dans les quatre Préludes, les plus lumineux du génial Szymanowski. Sous ses doigts, chaque prélude ne tient qu’en une seule phrase qui fait écho au dernier Brahms, au Scriabine de la période médiane. La maîtrise de la résonance est telle que les notes se grisent de couleurs. Tout est en suspension dans cette musique dans laquelle la douleur et le recueillement se confondent. L’élégance du jeu est sidérante et une certaine forme de pudeur retient chaque effusion au bord du précipice des larmes. On peut alors parler de “perfection” au sens d’une représentation idéale. Elle existe de fait par le toucher, la pédale, la respiration, le tempo, la dynamique… Recréer le naturel après avoir tant investi dans la maturation d’une œuvre et ouvrir ainsi le son du piano pour libérer une pâte sonore sensuelle et distante à la fois, émerveille.

Le jeune Szymanowski est déjà lui-même dans les dissonances hallucinantes et nimbées des Préludes. En véritable “anti-avant-gardiste”, il n’a jamais cherché l’inouï. Après l’achèvement de ceux-ci, il passe à une autre quête. Les trois poèmes qui constituent les Masques – ils appartiennent à la deuxième période d’écriture du compositeur, apparue lors de la Première Guerre mondiale – sont dédiés à la nuit amoureuse. L’Orient avec Shéhérazade, évidemment et l’influence non point de Rimski-Korsakov, mais des mélodies de Ravel teintées de Scriabine. Une fois encore, Zimerman, ne laisse pas un instant de “vide”, jouant des plus infimes détails comme ces trilles jamais identiques, ces accords éclatants mais jamais brisés. Tantris le Bouffon, sorte d’Alborada del gracioso mâtiné de Debussy, Bartók et du Petrouchka de Stravinsky laisse pantois. Il y a moins de sarcasmes que de questionnements dans cette interprétation fiévreuse et exaltée. Les convulsions tout comme le silence fusionnent dans une logique implacable. Rien de factice. Rien d’improvisé non plus. Scintillante et héroïque, la Sérénade de Don Juan referme ce cycle “fantastique” à tous les sens du terme.

Quatre des vingt Mazurkas de l’opus 50 ouvrent la troisième période créatrice de Szymanowski. Pièces étonnantes aux rythmes binaires, à l’écriture modale, mais ne pouvant rompre avec le chromatisme wagnérien et les harmonies debussystes ! Zimerman n’accentue pas le primitivisme de ces pages bien que le compositeur fasse référence aux danses des Tatras. Son piano atteint un degré de raffinement unique alors qu’il a rompu avec le souvenir de Chopin, ce qui pose la question suivante : comment un compositeur polonais peut-il s’affranchir du culte de Chopin et prétendre composer des mazurkas ? Zimerman ne renie pas la sensualité de ces pages (op.50 n°15) et se complait encore moins dans une “simplicité barbare”. Chaque mazurka devient un petit conte, clin d’œil au Bartók des Mikrokosmos et au Stravinsky des Noces.

L’album se referme sur les Variations sur un thème polonais. L’extrême délicatesse de la mélodie nous ferait croire, grâce à Zimerman, que ces variations disparaissent dans les volutes de ce « prélude-poème-nocturne-tableau » ! Les variations se métamorphosent grâce à de multiples digressions, parenthèses et commentaires dont aucun ne peut altérer le lyrisme incorruptible du thème, quand bien même une marche funèbre proprement hallucinée et une fugue conclusive héroïque détourneraient notre attention. Comment expliquer cela ?

Masques fut gravé en 1994, précieusement mis en réserve avant que le reste du programme soit achevé ou bien qu’une opportunité se présente. Espérons que Zimerman ne nous fera pas languir à nouveau 28 ans avant de décider la sortie de son prochain album consacré à Szymanowski.

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Karol Szymanowski (1882-1937) : Préludes op. 1 n° 1, n° 2, n° 7, n° 8 ; Masques op. 34 ; Mazurkas op. 50 n° 13 à n° 16 ; Variations sur un chant populaire polonais op. 10. Krystian Zimerman, piano. 1 CD Deutsche Grammophon. Enregistré au Fukuyama Hall of Arts & Culture, au Japon en juin 2002 et au Tivoli Concert Hall de Copenhague, en mai 1994 (Masques). Notice en anglais et allemand. Durée : 70:28

 
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