La mezzo-soprano Marianne Beate Kielland au service de Jean Sibelius

Sibelius a enrichi son incomparable catalogue avec ses chansons pour voix et piano dont certaines se prêtent parfaitement au renfort orchestral. L'enregistrement du label LAWO en offre une incomparable démonstration.

Les dix-huit numéros retenus contiennent de précieuses pièces tant au plan mélodique que dramatique. Certaines s'impriment durablement dans la psyché de l'auditeur et appartiennent au meilleur de la création sibélienne. La plupart font appel à d'excellents poètes de langue suédoise et si le compositeur lui-même en a réalisé quelques orchestrations, le plus grand nombre revient à des contemporains particulièrement inspirés, dont son gendre Jussi Jalas. Leur adéquation à l'esprit du compositeur constitue une constante essentielle. Elles reposent sur une invention mélodique bien découpée, sur une expression sentimentale affirmée et mémorable où domine une certaine rugosité et un soupçon d'étrangeté rappelant son monde symphonique.

Les chansons avec orchestre de Sibelius ont bénéficié dans le passé d'enregistrements au sommet desquels se trouve toujours, indétrônée, à notre avis, la réalisation inoubliable de Kirsten Flagstad avec l'Orchestre symphonique de Londres placé sous la direction de Øivin Fjelstad (1958, Decca). La Finlandaise Aulikki Rautavaara a gravé quelques chansons avec l'Orchestre philharmonique de Berlin dirigé par Hans Schmidt-Isserstedt (Finlandia 588152/Telefunken Recordings 1934-1938). Plus récemment, on retiendra la prestation de Mari Anne Häggander et Jorma Hyninnen soutenus par l'Orchestre symphonique de Göteborg et le chef Jorma Panula (1984, BIS-270). Également Soile Isokoski et l'Orchestre philharmonique d'Helsinki conduit par Leif Segerstam (2005, Ondine ODE1080-5) sans oublier Jorma Heininen, l'Orchestre philharmonique de Tampere et Leif Segerstam (1994, Ondine ODE 823-2).

Face à cette concurrence de très haut niveau les nouveaux venus se ménagent une place non négligeable. La mezzo-soprano norvégienne Marianne Beate Kielland, largement reconnue, reçoit le soutien de l'Orchestre de la Radio norvégienne dont le rôle s'avère primordial tant il bénéficie de l'habileté robuste du chef d'origine tchèque Petr Popelka. La mezzo-soprano illustre et souligne efficacement les traits sombres, tragiques et souvent mélancoliques de Höstkväll (Soir d'automne), Pá verandan vid havet (Sur une terrasse au bord de la mer), Svartar rosor (Les roses noires), Säv, säv, susa (Joue, joue roseau au gré du vent) et encore Den första kyssen (Le premier baiser). Son timbre clair, sa diction nette et richement timbrée, son coloris parfois un rien morne cependant, rendent hommage au maître finlandais.

Influencées par la tradition germanique, les chansons avec orchestre de Sibelius se montrent hautement individuelles et reçoivent ici une interprétation de grande qualité susceptible de contribuer à la réhabilitation de ce corpus émouvant et profondément sibélien.