Une leçon de vie avec Émile Naoumoff

Devant son clavier et en dialogue avec Nathalie Guilbaud, Émile Naoumoff revient sur les années passées auprès de « Mademoiselle », la grande Nadia Boulanger à qui il est présenté à l'âge de huit ans. Il est filmé dans les locaux de la Cité internationale des Arts où il a vécu avec sa mère, francophone et francophile, ses premières années parisiennes.

Nadia Boulanger a 84 ans lorsqu'elle accueille le jeune prodige, né dans une famille de musiciens, qui a quitté sa Bulgarie natale pour venir travailler avec elle. Sans fard et avec le recul de l'âge, le pianiste et compositeur – il écrit à neuf ans un premier concerto pour piano ! – brosse un portrait de cette grande dame du monde musical, élève de Gabriel Fauré et amie de Stravinsky, dont l'enseignement, rivé aux exigences de l'académisme, n'a guère ménagé le jeune Naoumoff. « Débutant mes journées à cinq heures du matin », raconte-t-il, « j'étais embarqué dans un continuum d'intensité et une présence soutenue dans l'effort » : de longues heures partagées entre les exercices d'écriture, le cours de piano non moins pointilleux et l'instant du déchiffrage où la tension se relâche, laissant librement divaguer l'imagination sonore de l'apprenant. « Il faut coûte que coûte… », scandait cette pédagogue éprise de rigueur et d'enthousiasme, qui recevait son élève trois fois par semaine au 36 rue Ballu. Ne pas travailler le don aurait été, pour cette catholique pratiquante, insulter Dieu! D'où l'ambition de devenir archéologue – sa mère était grecque – bien vite refoulée chez ce musicien né qui cherchera du moins, tout au long de sa carrière, à exhumer des compositeurs oubliés, comme Gabriel Dupont dont il enregistre l'intégrale de l'œuvre pour piano.

Des photos d'archives – le jeune Émile au marché aux fleurs ou à son piano, le professeur Naoumoff et ses élèves, etc. – et des extraits de Bach, Naoumoff et Lili Boulanger joués par notre pianiste, jalonnent ces entretiens que viennent compléter, dans un livret attenant, les nombreux témoignages écrits, aussi élogieux que chaleureux, des élèves du maître, parmi lesquels Elsa Grether, Jean-Frédéric Neuburger ou encore Francesco Tristano à qui nous laissons les derniers mots de la chronique : « Un cours avec Émile, ce n'est pas qu'un cours de piano. C'est une leçon de vie ».