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La Dafne de Mitterer en re-création à l’Athénée

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Paris. Théâtre de l’Athénée 29-IX-2022. Wolfgang Mitterer (né en 1958) : Dafne, opéra madrigal pour 12 voix et électronique ; mise en scène et scénographie, Aurélien Bory ; Décor, Pierre Dequivre ; lumières, Arno Veyrat ; Les Cris de Paris, Compagnie III ; direction Geoffroy Jourdain

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Donnée en création mondiale sur le plateau de l'Athénée, la Dafne de Wolfgang Mitterrer/ fait renaître celle d'Heinrich Schütz à travers la voix plurielle des Cris de Paris sous la direction de .

En 1627, Heinrich Schütz (1585-1672) écrit une Dafne qui aurait sans doute été le premier ouvrage scénique allemand s'il n'avait pas disparu dans les flammes lors de l'incendie de la bibliothèque de Dresde en 1945. Seul subsiste le livret en allemand de Martin Opitz qui arrive entre les mains de . S'inspirant de la version antérieure de l'italien Rinuccini, l'histoire s'intéresse au mythe de Daphné et Apollon rapporté par Ovide dans le premier livre des Métamorphoses. L'idée, que soumet à , est de faire revivre la partition de Schütz (dont on fête les 350 ans de la mort) à travers le livret connu et grâce à la réécriture du compositeur autrichien. Selon la technique bien connue au Moyen-âge du contrafactum (réutiliser une musique en en changeant le texte), Mitterer va puiser dans la musique chorale, souvent religieuse, d'Heinrich Schütz, pour concevoir ce qu'il appelle un opéra madrigal (une dramaturgie chantée par un chœur à douze voix) où se confrontent et s'entrechoquent le passé et le présent, la polyphonie madrigalesque de la fin du XVIᵉ siècle et les ressorts de l'électronique : comme « un vêtement musical où se fonderont l'ancien et le nouveau », souligne le compositeur. La partie électronique pré-enregistrée est à la charge du chef placé en contre-bas du plateau, via une pédale de déclenchement.

Un espace-temps circulaire

S'inspirant de l'invention de la scène tournante que l'on doit à l'ingénieur Tommaso Francini (1617), le metteur en scène exploite avec bonheur le mécanisme des anneaux tournant à différentes vitesses sur lequel se règle le mouvement du chœur et la fuite du temps. Les idées prolifèrent dans une mise en scène qui se souvient du faste des machineries baroques ; ce ne sont pas les dieux qui descendent des cintres mais leurs accessoires, une grêle de flèches (celles d'Apollon et de Cupidon) lancées sur la scène, qui viennent se ficher presque miraculeusement sur des cibles préparées à cet effet. Descend également, puis remonte la robe rouge carmin de Vénus que les interprètes endossent à tour de rôle, chacun des douze chanteurs pouvant camper librement le rôle des protagonistes. Les flèches deviennent les rayons auréolant la/les têtes d'Apollon tandis que Cupidon, fils de Vénus campé par un jeune garçon à l'habit rouge, décoche sa flèche en or au milieu du front du dieu qui a osé le défier, le rendant éperdument amoureux de Dafne…

Un grand madrigal contemporain

Très impliqués dans une mise en scène tout en rebondissements, et chantant par cœur une partition des plus exigeantes, accomplissent une véritable performance, passant d'une écriture chorale très ciselée (qui glisse insidieusement de la consonance à la dissonance) à une écriture solistique (du sprechgesang quasi expressionniste). Les voix, amplifiées, ne bénéficient que des quelques repères de hauteurs donnés par l'électronique, à l'exemple de la basse continue dans les ouvrages baroques. Mitterer ne craint ni l'hybridation ni la superposition des strates sonores. La bande charrie un matériau hétérogène, rumeur ambiante, environnement bruité, feedbacks et autres distorsions qui bousculent l'écriture chorale et son rythme errant, accusant le relief dramaturgique avec, parfois, des cassures franches (décharges violentes, explosions) entre les deux univers. On glisse également des voix aux instruments (joués par les chanteurs), une flûte d'abord qui inscrit sa ligne ornementale au-dessus des voix, puis un petit ensemble instrumental (trois bassons, une flûte à bec basse, une guitare, un cajon, etc.) à l'image des sinfonie d'instruments qui s'immiscent dans le madrigal de Monteverdi et concertent avec les voix. Peu de répit est accordé au chœur tout terrain, mené de main de maître par Geoffroy Jourdain, dans une partition un rien touffue qui n'accorde guère de respirations.

Après la course éperdue de Dafne poursuivie par Apollon, la métamorphose de la nymphe en laurier est joliment réalisée, dans une des scènes les plus réussies de l'ouvrage.nPréférant disparaître plutôt que subir les assauts du dieu, elle se drape dans l'étoffe-fleuve (les eaux du dieu Pénée) déroulée et hissée sous nos yeux et disparaît en une torsion spectaculaire dans les plis du rideau : « Mieux vaut être transformé en arbre que demeuré incompris ou instrumentalisé par les dieux ! », renchérit Mitterer, donnant à cette Dafne re-créée sa pleine résonance contemporaine.

Crédit photographique : © Aglaé Bory

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