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Le parfait wagnérien et autres écrits sur Wagner. Choix de textes, préface et notes par Georges Liébert. Traduit de l’anglais par Béatrice Vierne et Georges Liébert. Les Belles Lettres. 534 pages. 29 €. Février 2022
Les critiques musicales de George Bernard Shaw ne sont qu'un pan de la production littéraire de ce dramaturge prix Nobel de littérature, mais leur verve et leur pertinence en font une référence insurpassée plus de cent ans après leur parution.
Si le nom de George Bernard Shaw a déserté les affiches de théâtre depuis longtemps et ne sera évocateur qu'aux cinéphiles sous le charme d'Audrey Hepburn dans My Fair Lady, son nom est toujours vénéré comme le pape des critiques musicaux par nombre de ses successeurs, y compris de nos jours. Encore qu'il ne faille pas prendre cette comparaison papale à la lettre, Shaw étant farouchement socialiste (au sens fort du terme où on l'entendait à la fin du XIXᵉ siècle), un Irlandais politiquement engagé dans une Angleterre conservatrice.
Sa notoriété en terres musicales francophones a été entretenue grâce à Georges Liébert et à la publication de référence dans la fameuse collection Bouquins d'Écrits sur la musique, 1876-1950, une somme de 1 500 pages parue en 1994. Non rééditée mais toujours indispensable, elle est facile à se procurer d'occasion. Georges Liébert revient à la charge avec un ouvrage (relativement) plus succinct de 500 pages consacré aux écrits sur ou autour de Wagner. On y retrouve les textes déjà publiés précédemment avec des notes nouvelles, une riche préface de cinquante pages et un texte essentiel d'une centaine de pages sur le Ring : Le Parfait Wagnérien. L'essentiel est écrit sur dix ans, de 1888 à 1898, et fait revivre la scène anglaise et Bayreuth à cette époque.
Shaw fait preuve dans ses écrits d'une somme de qualités qu'on peine à retrouver ailleurs et depuis. Aussi enflammé, expert et intransigeant artistiquement qu'un Berlioz, il a un humour féroce et il manie les paradoxes avec un brio époustouflant, ajoutant une dimension politique et sociologique qui rehausse ses analyses de vives couleurs. S'il peut être sévère voire implacable, c'est la médiocrité qu'il fustige, pas tant les malheureux qui sont sa cible. Et il vise juste. De Wagner il a compris et dit avant la fin du XIXᵉ siècle que le compositeur était un aboutissement et non une fondation pour l'avenir. Son Parfait wagnérien, qui analyse les racines politiques du Ring et en particulier la révolution de 1848 à Dresde à laquelle Wagner avait participé et adhéré, est une démonstration éblouissante que la Tétralogie est une dénonciation du capitalisme et de l'exploitation de la classe ouvrière, une interprétation qui nourrira la production du centenaire du Ring avec Patrice Chéreau. Si cette lecture n'épuise pas le sujet, elle est encore passionnante à lire.
Ce nouvel ouvrage a l'avantage de mettre le focus sur le musicien qui a le plus fasciné le plus fascinant des critiques musicaux, et l'appareil critique est suffisamment développé pour intéresser un lectorat plus large que les seuls wagnériens. Les lecteurs qui seront éblouis par le style de Shaw pourront se délecter en se procurant le volume précédent chez Bouquins. À vrai dire, la lecture de l'un appelle celle de l'autre, et inversement.
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Le parfait wagnérien et autres écrits sur Wagner. Choix de textes, préface et notes par Georges Liébert. Traduit de l’anglais par Béatrice Vierne et Georges Liébert. Les Belles Lettres. 534 pages. 29 €. Février 2022
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