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À Genève, L’Éclair n’est pas du tonnerre

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Genève. Grand Théâtre. 18-IX-2022. Jacques Fromental Halévy (1799-1862) : L’Éclair, opéra comique en 3 actes sur un livret de Jules-Henri de Saint-Georges et d’Eugène de Planard. Version concertante. Avec : Éléonore Pancrazi, Madame Dardel ; Claire de Sévigné, Henriette ; Eduardo Rocha, Lionel ; Julien Dran, George. Orchestre de Chambre de Genève. Direction musicale : Guillaume Tourniaire

Deux jours après La Juive de Fromental Halévy, la scène du Grand Théâtre de Genève accueille une version de concert du charmant opéra comique L'Éclair du même compositeur, joué devant un public clairsemé.

Peu après la première représentation de son opéra La Juive, essuya un lot de critiques douteuses. La production parmi les plus coûteuses de la saison de l'Académie royale de Musique fut jugée comme n'étant que le reflet de l'argent supposé lié au judaïsme. Giacomo Meyerbeer et , tous deux de confession juive, tous deux à l'origine du grand opéra à la française devenaient des cibles faciles à la vindicte de l'antisémitisme régnant. En réponse à ces critiques, écrit L'Éclair, un opéra comique avec seuls quatre protagonistes, supprimant au passage le chœur contre la tradition de l'opéra de l'époque. C'est un opéra « économique », qu'il présente la même année que La Juive. La musique est charmante avec des airs taillés pour la mise en valeur des voix. Particulièrement les voix féminines. Un opéra pour cousettes parisiennes que de bons vieux messieurs au haut-de-forme lustré et à la fortune aisée charmés par les voix fruitées de ces jeunes chanteuses admiraient et couvraient de cadeaux, quand il ne leur offraient pas une boutique de colifichets ou une garçonnière.

Le chef l'a bien compris. Dirigeant à grandes brassées, il fait ressortir avec brio toute l'élégance de cette musique d'une époque où la courtoisie était une qualité humaine très largement pratiquée. Dans cet opéra, la musique d'Halévy procède d'éléments lyriques légers, de constructions harmoniques d'apparence simple, favorisant la mélodie. L' cisèle cette musique avec beaucoup de légèreté où l'entrain succède à la mélancolie dans une pâte orchestrale bien mesurée. Et de ce côté, l'affaire est tout à l'honneur du Grand Théâtre de Genève qui n'avait plus entendu cet opéra depuis 150 ans ! L'occasion quasi unique de redécouvrir une œuvre dont le charme musical est total a même suggéré de combler le vide discographique en enregistrant le concert. Que les amateurs ne se pressent pas trop parce que la méforme d'un des rôles et les quelques sévères « imprécisions » de l'orchestre risquent de repousser la sortie de ce petit bijou musical pour quelques temps. En effet, le ténor (Lionel), annoncé souffrant, projette sa voix avec une vaillance bien éloignée de celle avec laquelle il a éclairé ce théâtre lors de ses précédentes prestations à Genève. Reste qu'il s'est même permis d'offrir quelques aigus pianissimo de la meilleure facture.

Outre ce fâcheux contretemps, malheur à qui ne s'est pas procuré le programme de la soirée. Sans cet accessoire, impossible de suivre l'intrigue. Simple mais très bavarde. En Amérique, le jeune officier de marine Lionel, aveuglé par un éclair durant un orage, est soigné par Henriette qui l'aime et qu'il aime. En voulant la remercier de sa bonté, il embrasse par mégarde la sœur d'Henriette, Madame Darbel, jeune veuve émancipée. Le quiproquo se terminera bien, George, un cousin anglais épousera Madame Darbel et Henriette s'unira à Lionel. On est en pleine comédie à-la-Feydeau. Privé de surtitres ou du livret, voire d'entrées des mélodies, le spectateur n'a aucun moyen de se repérer. Et près de deux heures de musique et de paroles échangées pour une si petite intrigue, cela fait beaucoup de mots.

Devant une incongrue reproduction sur toile d'une partie du plafond du foyer du Grand Théâtre, les chanteurs entrent en scène, partition sous le bras, chantent leur air et racontent leur dialogue plantés face à leur micro et… repartent aussitôt. Tout cela sans un regard aux autres protagonistes. Bien malin qui comprend ce qui se passe réellement dans cette intrigue. Alors, il ne reste au spectateur impuissant qu'à attendre avec l'espoir qu'il entendra de la jolie musique, bien chantée.

Bien chantée, elle l'est. Chez les messieurs, hormis le chanteur visiblement malade, le ténor (George) ne ménage pas son organe vocal en projetant avec force mais contrôle, une voix barytonale puissante et colorée. Meilleur diseur du plateau, sa diction est la plus claire du groupe et si l'on ne saisit pas toujours l'entier de ses phrases, quelques mots sortent avec clarté laissant à l'auditeur quelques bribes de discours qu'il tend à rapprocher à ceux des autres protagonistes pour essayer de donner sens à l'intrigue. À ses côtés, la soprano (Henriette) use des charmes évidents de sa voix pour offrir le joli chant dont nous parlions plus haut. Malheureusement, la comédie ne semble pas être son cheval de bataille. Timorée, elle ne confirme pas les espoirs que nous avions lors de ses précédentes venues au Grand Théâtre de Genève. À moins que le carcan du micro d'enregistrement lui ait été trop contraignant et paralysant. La mezzo-soprano (Madame Dardel) semble plus à l'aise. Confinée devant son micro, elle ne peut guère exprimer le contenu de ses interventions quand bien même quelques sourires en coin soulignent le caractère de son personnage. On apprécie en outre la délicatesse de son chant dans la très belle cantilène « Ah ! ma sœur jolie » où elle déploie sa voix avec charme et sensibilité. Un très beau moment. Reste néanmoins que cet Éclair n'était pas du tonnerre !

Crédit photographique : © Sarah Matray

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