La Traviata et La Flûte enchantée à l’heure des ados connectés

Réinterpréter les livrets de grands opéras en les transposant à l'époque actuelle, c'est le pari des éditions Gulf Stream avec la parution des deux premiers ouvrages de la collection : D‘après la Flûte enchantée par Béatrice Nicoldème et D'après La Traviata écrit par Fabien Clavel.

L'affaire Zahia a inspiré Fabien Clavel pour sa réécriture du livret de La Traviata. Agonisante suite à un cancer des poumons, la jeune call girl Waïla / Violetta, écrit une longue lettre d'adieu à son ancien amour, Alfredo. Elle lui raconte l'immigration, la misère, les humiliations, l'engrenage de la drogue et de la prostitution ainsi que son sacrifice pour sauver l'honneur de la famille d'Alfredo. L'histoire de La Traviata reste très actuelle : des soirées où se mêlent gens fortunés, call girls, alcool et drogues sont toujours régulièrement organisées ; la pauvreté et la perte de repère conduit toujours des jeunes filles vers la prostitution ; l'argent facile attire toujours… Fabien Clavel ne cède pas à la facilité de convoquer le téléphone portable et les réseaux sociaux au prétexte que l'histoire se passe chez des adolescents d'aujourd'hui. Non, Waïla écrit à la main une longue et belle lettre d'amour à Alfredo, lettre qui s'interrompt brusquement au moment de la mort de l'héroïne. Le découpage des chapitres suit celui des scènes et des actes tout en s'enchaînant de façon fluide. On est vraiment pris dans ce récit et c'est le cœur serré que l'on referme l'ouvrage avec l'envie de se replonger dans l'écoute de l'opéra de Verdi et de relire La Dame aux camélias d'Alexandre Dumas fils. Le livre se termine par une présentation de La Traviata et une brève biographie de Giuseppe Verdi, en espérant que les jeunes lecteurs, à partir de 12-13 ans, aient à leur tour envie de découvrir cet opéra.

La Flûte enchantée est un conte avec tout ce que cela comporte de féérie, d'éléments improbables, avec une forte dimension maçonnique et initiatique. Une réécriture de l'histoire est donc beaucoup plus compliquée, surtout si c'est pour l'inscrire dans le quotidien de collégiens de notre siècle. Béatrice Nicodème a donc eu l'idée du rêve pour donner une trame à son récit. Le jeune Malo fait des rêves qui s'enchaînent d'une nuit à l'autre. Il se rend alors compte que ses rêves s'entremêlent étrangement avec la réalité. Ainsi lui, Malo est le Tamino de ses rêves, son meilleur ami, Paulo, bavard et gaffeur, Papageno, le professeur de musique, Madame Tourmaline n'est autre que la Reine de la Nuit… Le livre enchaîne les rêves et les moments du quotidien de Malo en respectant le découpage de l'opéra de Mozart. Les scènes de rêve reprennent de façon précise le livret d'Emanuel Schikaneder, celles de la vie de Malo au collège et à la maison sont une réécriture de l'histoire dans le monde actuel. Mais il est difficile de faire croire au lecteur que le professeur de musique a envoyé à Malo par SMS une photo de sa fille, à qui il n'a jamais parlé, pour qu'il aille la délivrer chez son méchant parrain qui l'aurait enfermée. Le récit est donc assez chaotique, insistant sur les éléments invraisemblables du livret tout en se voulant rationnel. Même si le style est vivant et enlevé, ce sont finalement les parties fidèles à la version originale qui accrochent le plus le lecteur, à partir de 11 ans. Ici aussi, l'ouvrage se termine par quelques pages de présentation de l'opéra et de la vie de Wolfgang Amadeus Mozart.