A tout seigneur, tout honneur, c'est au violoncelle qu'est dévolu ce dernier concert du festival « Musique de chambre en Normandie » sous la houlette de son directeur artistique, le violoncelliste et pédagogue Michel Strauss.
Entouré de ses amis et élèves Michel Strauss reste fidèle à son éthique de transmission intergénérationnelle, et de compagnonnage musical déjà initiés depuis de nombreuses années au festival de Giverny, qui se poursuit aujourd'hui à Vernon dans la magnifique Collégiale Notre-Dame en s'appuyant sur un programme éclectique regroupant des œuvres originales et arrangements pour ensemble de violoncelles.
Si Le Songe d'une nuit d'été de Felix Mendelssohn arrangé pour quatre violoncelles par Blaise Déjardin, met immédiatement l'accent sur la dynamique, la cohésion et la virtuosité des intervenants, le « Pur ti miro » extrait du Couronnement de Poppée de Monteverdi, joué avec un vibrato minimal dans un arrangement de James Barraler, met en exergue un sublime legato et une lumineuse clarté dans l'organisation de la polyphonie. La Danse de Elfes de David Popper qui lui fait suite, séduit par son phrasé très rythmique, par la précision de sa mise en place, comme par sa virtuosité débridée exaltée par le plaisir de jouer des jeunes violoncellistes. Pour clore cette première partie de concert, la chanson « Smile » composée par Charlie Chaplin pour le film « Les Temps modernes » arrangé pour cinq violoncelles par Sébastien Walnier, apporte un moment d'apaisement, superbement interprétée avec un lyrisme intense par Lisa Strauss en parfaite symbiose avec le quatuor qui l'accompagne.
La seconde partie de concert fait appel à des effectifs plus importants. La prière hébraïque Kol Nidrei de Max Bruch, arrangée pour neuf violoncelles, avec Michel Strauss en soliste, impressionne par sa ferveur, comme par son équilibre dans le dialogue entre soliste et octuor. Le Prélude et la Mort d'Isolde, de Richard Wagner dans un arrangement de Renaud Guieu constitue, à n'en pas douter, le moment fort de ce concert : magistralement interprété, on y admire tout à la fois, la cohésion et l'engagement sans faille de l'ensemble des instrumentistes, la clarté et l'envoutement de l'entrelacement des lignes alternant flux et reflux, la richesse en nuances, la tension et la profondeur d'intonation, l'émotion prégnante et le sentiment d'urgence alternant avec un lyrisme éperdu à faire pleurer les pierres, avant que la Bachianas Brasileiras n° 1 d'Heitor Villa-Lobos ne referme ce magnifique concert dans la joie sous la direction éclairée de Laura Castegnaro.