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Christian Zacharias enfin au Festival de la Vézère

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Clergoux. Festival de la Vézère. Domaine de Sédières. 16-VIII-2022. Joseph Haydn (1732-1809) : Symphonie n°43 en mi bémol majeur « Mercure » ; Symphonie n°45 en fa dièse mineur « Les adieux ». Wolfgang Amadeus Mozart (1762-1791) : Concerto pour piano et orchestre n°9 « Jeunehomme » en mi bémol majeur K.271. Orchestre national d’Auvergne. Christian Zacharias, piano et direction.

Cela fait des années qu'on l'y attendait. Il n'y était jamais venu. Le pianiste et chef allemand a clôturé la 41ᵉ édition du , en compagnie de l'Orchestre national d'Auvergne, dans Haydn et Mozart. 

Depuis le 5 juillet, la musique irrigue comme tous les ans le département de la Corrèze, de Turenne à Uzerche, du Saillant à Clergoux. Elle s'est même insinuée dans de nouveaux endroits, insolites comme les vertigineux Pans de Travassac, carrières ardoisières à Donzenac, et les Jardins de Colette à Varetz où vécut la romancière. Isabelle du Saillant à qui l'on doit tout cela, qui a fondé le et l'a porté avec passion quarante ans durant, n'aura pas entendu cette année le violoncelle de Victor Julien-Laferrière dans la petite chapelle du Saillant, sous les vitraux de Marc Chagall enfin restaurés auxquels elle tenait. Elle n'aura pas entendu non plus enchanter pour la première fois le public corrézien. Elle a tiré sa révérence un jour de décembre 2021, s'en allant pour l'éternité. Sa fille Diane a repris le flambeau, dans la continuité du travail accompli et de l'esprit insufflé par sa mère. 

Ce n'est pas dans la propriété familiale – le domaine du Saillant, sa grange à deux pas du château – que le concert a lieu ce mardi 16 août, mais au Domaine de Sédières à Clergoux. À l'est de Tulle et à une heure de Brive-la-Gaillarde, son château entouré d'étangs et ses anciennes dépendances surplombent un paysage vallonné, flanqué de grands sapins qui nous disent la rigueur des hivers sur ce haut contrefort du Massif Central. La chaleur a lâché prise et les orages et leurs averses drues n'ont pas dissuadé le public venu de Brive, des alentours, mais aussi paraît-il de Clermond-Ferrand par l'A 89. Le grand concert de clôture affiche complet. La plupart sont arrivés tôt, pour se sustenter de quelques bonnes choses de producteurs locaux labellisés, installés sous le préau jouxtant l'ancienne porcherie, avant de regagner l'immense grange aménagée de façon pérenne en salle de concert. 

Si l'Orchestre national d'Auvergne est un invité habituel du festival depuis 35 ans, ce n'est pas le cas de qui n'y a jamais été entendu auparavant. Considérant la notoriété mondiale de cet immense artiste, sa présence ce soir-là constitue un évènement de taille. Il vient jouer et diriger la phalange auvergnate dont il est depuis peu chef associé tout comme Enrico Onofri, auprès de son chef principal Thomas Zehetmair qui vient de succéder à Roberto Forés Veses. Grand interprète de Mozart, dont il a enregistré l'intégrale des sonates pour piano, puis celle des concertos pour piano avec l'Orchestre de chambre de Lausanne alors qu'il en était le chef titulaire, gravures qui font référence, c'est à ce compositeur qu'il rend hommage ce soir-là, mais aussi à son contemporain , avec deux de ses symphonies de sa période Sturm und Drang, la Symphonie n°43 en mi bémol majeur surnommée « Mercure » qui n'a cependant rien à voir avec le dieu romain, et la Symphonie n°45 en fa dièse mineur dite « Les adieux ». Une musique qui réclame raffinement et précision, dans les attaques, dans le phrasé. Christian Zacharias n'a pas de baguette. Il préfère donner l'impulsion de ses mains, façonner de ses doigts le galbe des phrases. Il prodigue juste ce qu'il faut de gestes pour que la musique ait du nerf, soit alerte, respire, s'épanouisse avec grâce, pour faire apparaître ses contrastes, ses effets, ses subtilités, guidant l'orchestre ici et là, sans « jouer » à sa place, lui laissant l'espace de son expression. Et celui-ci ne joue pas petit : il sonne, et de quelle façon, et il chante ! La compréhension et la complicité sont totales entre le chef et les musiciens et cela s'entend comme cela se ressent. Il les emmènent dans des pianissimi feutrés et fondants dans l'adagio de la « Mercure », et ténus mais émouvants à la fin des « Adieux ».

Entre les deux symphonies, le piano a pris place, disposé au milieu de l'orchestre, clavier face au public, d'où le pianiste dirige autant qu'il joue le Concerto pour piano n°9 en mi bémol majeur K.271 dit « Jeunehomme ». Un fin dialogue s'instaure entre l'orchestre et le soliste qui ne cherche pas à dominer par un jeu par trop brillant. Non, là le jeu est subtilement nuancé, vivant, élégant, le ton naturel et juste, l'expression profondément humaine, déclinée tout en finesse. Le premier mouvement rayonne de sa bonne humeur mâtinée par moments de tendre espièglerie que l'orchestre sait saisir comme une balle au bond. Le ton intimiste et retenu de l'andantino sert le cœur, jusqu'à sa cadence aux accents et aux silences si éloquents. Le rondeau final superbe de vitalité emporte tous les musiciens dans son joyeux sillage. Christian Zacharias ne donnera pas de bis après ce concerto, copieusement applaudi. Il préfèrera attendre la fin du concert, que la Symphonie des adieux s'achève avec son duo ultime, pour prendre la parole, non sans humour, rappelant le bon tour joué par Haydn au Prince Esterházy. Ici, les musiciens n'ont pas quitté la scène un à un, éteignant leur chandelle : cela aurait été source de bruits indésirables, et puis pas de chandelles de nos jours, mais ils sont restés pour écouter leurs collègues…et pour souhaiter enfin bonne nuit au public, avec un extrait de la célèbre Petite Musique de Nuit, d'un charme et d'une fraîcheur intacte. Un délicieux moment en guise de point final à cette édition qui s'achève dans la grâce mozartienne.

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