Cycle Wolf à l’Opéra de Munich (1) : Christian Gerhaher en terres méditerranéennes
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Munich. Nationaltheater. 8-VII-2022. Hugo Wolf (1860-1903) : Spanisches Liederbuch (Livre de chants espagnols), sur des poèmes traduits par Paul Heyse et Emanuel Geibel. Christian Gerhaher, baryton ; Julia Kleiter, soprano ; Ammiel Bushakevitz, piano
8-VII-2022. Hugo Wolf : Italienisches Liederbuch (Livre de chants italiens), sur des poèmes traduits par Paul Heyse. Christian Gerhaher, baryton ; Anna Lucia Richter, mezzo-soprano ; Ammiel Bushakevitz, piano
Avec Julia Kleiter et Anna Lucia Richter, Gerhaher s'attaque enfin à un compositeur essentiel et trop méconnu.
Christian Gerhaher sans Gerold Huber ? Eh oui, il faut s'y résoudre : pour le cycle de trois concerts consacrés à Hugo Wolf donné à Munich ce mois-ci, la maladie a obligé Huber à laisser son clavier à Ammiel Bushakevitz. C'est le recueil espagnol qui ouvre le cycle des Lieder d'un compositeur jamais totalement négligé, mais qui est toujours loin d'avoir la reconnaissance qu'il mérite auprès du grand public de la musique classique. Pour cette première étape, Gerhaher est accompagné de Julia Kleiter, pour une longue soirée entrecoupée de deux entractes ; le second concert consacré au Livre italien, lui, est illuminé par la présence d'Anna Lucia Richter. Les deux cycles sont présentés non dans l'ordre des publications originales, mais dans un ordre choisi par les musiciens, sans que cette réorganisation paraisse réellement nécessaire : on peut reprocher à l'ordre original des juxtapositions moins pertinentes, mais cet ordonnancement-ci a ses défauts aussi, par exemple dans le recueil italien quand le beau Benedeit die sel'ge Mutter (n° 35) se retrouve entouré par deux Lieder d'une grinçante ironie.
C'est donc la partie sacrée du recueil espagnol qui ouvre ce cycle Wolf. Ce n'est pas la plus immédiatement aimable, parce que les dix Lieder qui la composent approfondissent une atmosphère recueillie et concentrée plutôt que de jouer le contraste et la variété, mais c'est un des sommets de l'art de Wolf. Ces Lieder n'ont certes pas la séduction immédiate de ceux de Brahms ou de Schumann que le public munichois aime tant entendre par la voix de son Liedersänger d'élite ; cela explique sans doute que l'assistance se réduise à chaque entracte, mais c'est fort regrettable, car ces trésors miniatures sont de grands chefs-d'œuvre. Christian Gerhaher, chanteur-poète volontiers élégiaque, est naturellement très à l'aise dans ce dépouillement, et beaucoup de Lieder des deux recueils répondent à cette humeur dominante ; pour autant, quand il s'agit au contraire de l'humeur conquérante d'un quelconque hidalgo, il est plein d'énergie et donne de la voix, naturellement sans sacrifier le texte.
Ses deux partenaires sont de grandes interprètes du Lied, avec des différences notables. Julia Kleiter, pour les Lieder espagnols, fait preuve de beaucoup de professionnalisme, d'une approche toujours précise et d'une excellente diction, avec une voix généreuse ; mais avouons-le, une forme de monotonie s'installe, ce beau chant n'étant pas soutenu par une interprétation créatrice.
Ce n'est certainement pas le cas avec Anna Lucia Richter, qui au contraire alterne purs moments de beauté vocale et véritables scènes de comédie, comme pour cette femme qui réalise son rêve d'avoir un amant musicien pour aussitôt périr d'ennui quand il joue du violon (n° 11). La jeune chanteuse avait commencé sa carrière comme soprano avant de se découvrir mezzo ; cette mutation ne convainc pas totalement, et on ne ne peut pas s'empêcher d'entendre par moments une voix tirée vers le grave, avec des voyelles assombries artificiellement, mais ce léger malaise vocal est loin de contrebalancer ses remarquables qualités d'interprète.
Chez Wolf, naturellement, la partie de piano est primordiale, et il faut reconnaître à sa juste valeur la performance d'Ammiel Bushakevitz. On pouvait attendre de Gerold Huber des révélations, tant il a déjà montré sa capacité à mettre toute la poésie du monde dans une seule note, mais il serait évidemment injuste de comparer le travail de Bushakevitz à ce qu'aurait pu être l'interprétation de Huber. Un peu plus d'imagination et d'audace ne nuiraient certainement pas, mais il fait bien mieux qu'accompagner. L'écriture pianistique de Wolf va d'un extrême à l'autre, du dépouillement au panache virtuose, et le pianiste sait parcourir cette gamme, parfois en retrait, parfois mordant, tout en restant à l'écoute soigneuse des chanteurs.
Crédits photographiques © Wilfried Hösl (photo 1 : Anna Lucia Richter et Christian Gerhaher ; photo 2 : Julia Kleiter)
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