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Les Études de Philip Glass : nouvelle intégrale par François Mardirossian

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Philip Glass (né en 1937) : Etudes pour piano. François Mardirossian, piano Stephen Paulello Opus 102. 2 CD Ad Vitam. Enregistrés du 14 au 17 décembre 2021. Notice bilingue (français/anglais) de 20 pages. Durée : 135:01

 

Huit intégrales discographiques en huit ans pour les Etudes que publia en 2014 ! Un phénomène tout à fait inédit dans l'histoire de la musique.

On n'en finit plus de parler des Études de , dont on apprend qu'elles ont même été la bande-son providentielle des deux années monacales que l'humanité vient de vivre. Des pianistes amateurs ont réalisé que, comme l'a dit le compositeur : « tout le monde peut les jouer ». Des pianistes professionnels ont, de leur côté, invalidé de façon posthume, le jugement désopilant de Jacques Drillon : « Les Études de sont si cons qu'elles sont mortes. » Vanessa Wagner confie, non sans une sincère émotion : « La musique de Glass a révolutionné ma vie de pianiste. » , pas moins enflammé, relate combien Glass l'accompagne quotidiennement depuis qu'il a découvert que le compositeur du Concerto pour violon qui le bouleversa à l'âge de 11 ans était son contemporain, se disant même ravi de respirer le même air que lui.

Après son très beau disque consacré à Moondog, le clochard-compositeur céleste que Glass hébergea, le pianiste français signe une vibrante intégrale des 20 Études, composées, dixit le compositeur, afin de parfaire sa propre technique pianistique. Un corpus décomplexant les pianistes amateurs et, bonne nouvelle, incitant les autres à apporter vision et bagage technique à cette somme virtuose en plus d'un endroit que le compositeur lui-même n'a jamais affrontée dans son intégralité. En 2007, lors du concert « météorologique » de Fourvière qu'évoque Mardirossian dans la notice, Glass n'avait donné que quelques études, après les avoir enregistrées à une époque où elles n'étaient encore qu'au nombre de dix. Invité à la Philharmonie de Paris en 2019, il ne joua que les deux premières, léguant les 18 autres à une armada de pianistes élus, entre fidèles et jeunes pousses. L'intégrale qui paraît aujourd'hui chez Ad Vitam montre que aurait pu être de cette soirée mythique.

Les Études radiographient l'évolution d'un langage musical à nul autre pareil. Inspirées tant au plan mélodique que rythmique, elles conservent de la période répétitive à laquelle le compositeur déplore d'être encore réduit, la structure bâtie autour de brèves formules nommées «figures » (occupant généralement un système de portée) que l'interprète est invité à reprendre avec ou sans ses répétitions. L'intégrale de Nicolas Horwath exceptée, soucieuse de tenir en un disque de 84', celle qui nous intéresse (vraiment intégrale si l'on ne tient pas rigueur de l'inexplicable absence d'une répétition dans les Etudes 3 et 17) se situe à équidistance de la plus longue (, 2h24) et de la plus rapide (, 2H05) avec ses 2H16.

La version Mardirossian est une somme d'attentions pensées envers cette « musique immersive » manifestement adulée par l'interprète, qui rappelle que son compositeur préféré est Chopin, dont la popularité des Études s'apparentent à celle des Études de Glass. Une 1ère d'un équilibre souverain ; une 10ème bondissante, comme monté sur ressort, rappelant la radicalité des années 70, à l'opposé d'une émouvante 8ème, période Truman Show (les années 90), prise d'un allant inédit, sans pathos. Le jeu est délié entre les passages d'une vélocité assez sportive (la 11ème), et les surgissements mélodiques (la 1ère). Les schubertiennes 12ème et 16ème envoûtent. L'ardent lyrisme des tubes absolus (la 6ème, la 17ème) ne déçoit pas. Et l'immensité stellaire de la 20ème, composée dans la foulée de l'énigmatique Visitors de Godfrey Reggio (un film comme détaché de toute contingence terrestre), emmène aussi loin qu'il est possible dans un ethos glassien où les lambeaux d'un style se dissolvent dans le silence. D'une rondeur moindre que celle du piano de la version de référence (), moins immédiatement proche aussi, mais avec un sens du rubato vraiment décomplexé, le piano de Mardirossian (un Stephen Paulello Opus 102) sonne à la façon d'un grand piano de concert. Il va être difficile de choisir.

Mise à jour le 01/07/2022 à 18h06

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