Kader Attou fait naître la poésie dans Les autres

Pour sa nouvelle création, présentée à La Grande Halle de La Villette, Les autres, Kader Attou projette ses danseurs dans le temps et l'espace. Avec une rencontre insolite entre deux instruments mythiques.

Les Autres est la dernière création de Kader Attou au Centre chorégraphique de La Rochelle, dont il assumait la direction depuis 2008, avant de céder la place à la chorégraphe Olivia Grandville. Désormais implantée à la Friche de la Belle de mai, à Marseille, sa compagnie Accrorap reprend du service. Kader Attou fait partie des premières figures institutionnalisées du hip hop, au moment où ce style chorégraphique a quitté la rue et les parkings pour monter sur les scènes de théâtre. Il ne s'est jamais laissé enfermer dans cette écriture, puisant son inspiration dans des thématiques et des univers variés, et faisant également appel à des danseurs venus de la danse contemporaine, comme dans son dernier succès, Allegria.

C'est le cas pour cette création, qui réunit six danseurs, dont deux danseuses de formation contemporaine, et deux musiciens assez exceptionnels, présents sur le plateau au même titre que les interprètes. Loup Barrow est multi-instrumentiste, percussionniste et surtout l'un des grands interprètes du Cristal Baschet. A ses côtés, le violoncelliste et ingénieur Grégoire Blanc est aussi l'un des rares interprètes de Thérémine, cet instrument électronique dont il joue sans le toucher avec les mains qui ondulent à l'intérieur du champ électromagnétique émis par deux antennes posées sur un boîtier. Les sonorités insolites de ces deux instruments extraordinaires s'imposent dans la création musicale de Régis Baillet, un peu trop électronique et banale au début du spectacle.

Moment de poésie, la rencontre entre l'insolite Thérémine et l'orgue Baschet dure une dizaine de minutes. Elle redonne alors du souffle à l'ensemble de cette pièce qui était jusqu'alors plutôt académique. Des instants de poésie surgissent ensuite des images nostalgiques dessinées par l'alliance entre une chorégraphie alliant la virtuosité du hip hop et la sensibilité de la danse contemporaine, une musique céleste et une scénographie émouvante, malgré la pesanteur des colonnes noires un peu massives signées Olivier Borne. La dramaturgie de Camille Duchemin cultive une forme de nostalgie, voire d'esprit rétro, renforcée par les costumes à l'ancienne, robes longues, pardessus et gilets de costumes. Au fur et à mesure du spectacle, la poésie prend le dessus, avec des images insolites comme celle d'un abat-jour illuminé remplaçant la tête des danseurs. C'est élégant et astucieux et la danse s'en trouve grandie.

Crédits photographiques : © Julie Cherki