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5e Concours International de Chefs d’Orchestre Evgeny Svetlanov : demi-finale et finale

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Monaco. Auditorium Rainier III. 2 au 5-VI-2022. 5ème Concours International de chefs d’orchestre Evgeny Svetlanov. Jury : Pinchas Steinberg (Président), Kazuki Yamada, Anthony Fogg, Tatjana Kandel, Daishin Kashimoto, Dmitri Liss, David Whelton. Finalistes : Euan Shields, Henri Christofer Aavik, Ilya Ram, Jesko Sirvend. Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo

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    Débuté le 2 juin avec dix-huit participants triés avec difficultés parmi une sélection de plus de trois cents dossiers, le 5e Concours Svetlanov, pour cette édition 2022 à Monaco, aura mis en lumières de jeunes artistes très prometteurs, sans pour autant parvenir à attribuer un 1er Prix.


    Les décisions du jury sont parfois surprenantes et si lors du 4e Concours Svetlanov, présidé en 2018 par le regretté Alexander Vedernikov, celui-ci n’avait pas réussi à distinguer un chef en finale, le niveau très élevé des participants pour cette 5e édition accueillis grâce au Haut Patronage de S.A.R La Princesse de Hanovre à Monaco laissait penser que cette fois, un artiste ressortirait du lot. Les quarts de finale les 2 et 3 juin permette de limiter la sélection de dix-huit à huit prétendants pour la demi-finale le samedi. Parmi les dix-huit ne se trouvaient que deux femmes, un ratio justifié par le nombre de dossiers reçus (39 féminins contre plus de 300 masculins) et par le nombre de participants sélectionnés (environ 6%).

    On regrettera toutefois de ne pas voir une seule des deux cheffes, et plus particulièrement la Polonaise Barbara Dragan, retenues pour la demi-finale, regret partagé avec la présidente du Concours Marina Bower et avec le directeur artistique René Koering, tous deux très proche du maestro Svetlanov de son vivant. Cette année, le jury est présidé par le chef Pinchas Steinberg (lire notre entretien) et composé du directeur musical du Philharmonique de Monte-Carlo, Kazuki Yamada, d’Anthony Fogg (Administrateur à Boston et directeur du Festival de Tanglewood), Tatjana Kandel (Déléguée artistique de l’Orchestre National du Danemark), Daishin Kashimoto (1er violon solo des Berliner Philharmoniker), Dmitri Liss (Chef principal de l’Orchestre Philharmonique de l’Oural), et David Whelton (directeur de nombreuses institutions anglaises).

    Demi-Finale

    Le 4 juin, huit candidats sont donc encore en lice à l’Auditorium Rainier III, avec 40 minutes chacun pour se départager et deux œuvres à sélectionner parmi une courte liste. La première avec violoncelle solo met en avant l’excellent 1er violoncelle de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, Thierry Amadi, splendide pour Schelomo de Bloch comme pour Don Quichotte de Richard Strauss, encore plus échauffé avec les cinq participants de l’après-midi qu’avec les trois du matin. La deuxième œuvre, purement symphonique, est au choix la Symphonie n° 4 de Beethoven ou la Suite de 1947 de Petrouchka de Stravinsky.


    Le Français Samy Rachid, déjà remarqué en tant que violoncelliste de choix avec le Quatuor Arod et en reconversion depuis un peu plus d’un an pour devenir chef d’orchestre, ouvre la cession avec un beau Don Quichotte, mais fait encore montre d’un manque de technique ensuite pour Petrouchka, mieux maîtrisé juste après par Jesko Sirvend. L’Allemand est cependant étonnamment au concours puisque du haut de ses 35 ans, il fait état d’une expérience de plus de dix ans où il a notamment été assistant du National de France pendant presque toute la période Krivine. L’Israélo-américain Ilya Ram clôture la cession du matin avec un côté showman qui ne plaira pas à tous, mais avec une bonne maîtrise de l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo, ce dernier impressionnant de tenu pendant tout le concours sous l’œil de son délégué artistique Didier de Cottignies, bien qu’harassé en fin de journée.

    L’après-midi, le jeune Américain de 23 ans Euan Shields débute et montre un bel accompagnement dans Schelomo avant de bénéficier pour Petrouchka d’un orchestre bien plus chaud que le matin. Il laissera beaucoup jouer les musiciens pour ne les reprendre qu’un peu, et heureusement le temps sera écoulé lorsque le jeune homme commencera à faire des erreurs (1er violon montré trois fois, dont la 2ème à contre-temps et la 3ème sans raison). Harish Shankar, Allemand de 38 ans étonnamment non retenu en finale, parce qu’il aura trop parlé à l’orchestre qui lui attribuera cependant son Coup de Cœur le lendemain, développe encore mieux la pièce de Bloch, puis parvient à créer de véritables climats par ses explications pour la Symphonie n° 4 de Beethoven.


    Après lui, l’Américain Elias Brown ne parvient pas à se démarquer avec le 3ème Schelomo de l’après-midi, ni avec la partition beethovénienne, rendue sans véritable typicité et avec laquelle il ne verra pas le temps passer, au risque de jouer sans laisser au maître Renée Koering la possibilité de le couper à la fin de ses quarante minutes réglementaires. Le Sud-coréen Hankyeol Yoon trouve en sa défaveur des musiciens fatigués, qu’il ne réussit pas à agencer parfaitement par ses gestes de tempi trop imprécis, tant sur Don Quichotte que Petrouchka, tandis que le dernier participant, l’Estonien Henri Christofer Aavik, s’en sort bien mieux avec les deux mêmes ouvrages et concrétise par la même occasion sa place clairement méritée en finale le lendemain.

    Finale

    Le dimanche à 14h, seuls quatre candidats sont encore en lice et tous ont 1h20 pour diriger en intégralité Images d’Espagne, la Rapsodie n°1 de Svetlanov, puis la création écrite pour le concours par Renée Koering, Initiales ES, ainsi qu’une pièce tirée au sort par le jury sur la base d’une sélection prédéfinie par les prétendants.


    Plus jeune des quatre, Euan Shields a été tiré au sort pour débuter et introduit la rapsodie avec déjà quelques couleurs à l’orchestre et surtout un tempo bien maîtrisé. Le son se montre encore cependant un peu fermé et le jeune Américain se perd dans la pièce de Koering, qu’il lit d’une traite avec l’orchestre sans même revenir dessus. Très calme et faite de nombreuses notes liées, la courte partition qui nous est fournie pour suivre la représentation n’a été délivrée qu’un heure et trente minutes plus tôt aux participants et contrairement à ce qu’on pourrait attendre, elle ne joue pas du tout sur le couple de note E-S (mi- mi bémol). Elle se veut simplement comme une véritable étude de concours, émaillée de nombreux pièges dans lesquels Shields tombe encore, et que seuls Aavik et surtout Sirvend parviendront à mieux gérer.

    Shields conclut avec La Mer de Debussy, où il se montre encore fébrile et pour laquelle il aurait sans doute dû mieux se concentrer à reprendre les parties des deux premiers mouvements, plutôt que de tenter presque présomptueusement de lire intégralement aussi le dernier, au risque de légèrement dépasser son temps. Préparé à l’Académie Jorma Panula et déjà nettement plus mur, Henri Christofer Aavik procure immédiatement plus de matière et d’ampleur à l’œuvre de Svetlanov, pour rapidement la stopper et y reprendre la corrida, à laquelle il parvient à donner un vrai parfum d’Espagne. Il stoppe de la même façon rapidement Initiales ES afin d’en reprendre quelques parties, puis conclut d’une traite jusqu’au beau solo de violoncelle de Thierry Amadi, juste avant la coda.

    La Suite n°3 de L’Oiseau de Feu sous ces mains déjà expérimentées permet d’entendre comme la veille à quel point l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo est à l’aise avec ce type de partition, bien qu’elle mette encore à plusieurs reprise le chef en difficulté, malgré un beau finale par lequel il décide de s’arrêter, sachant qu’il ne lui reste que quelques minutes. Il préfère conclure sur une note musicale plutôt que profiter de la fin du temps imparti pour reprendre juste un ou deux moments. Cela est bien fait et il devient par la même occasion largement favori par rapport au premier participant.


    Ilya Ram séduit ensuite plus que la veille, mais fait encore des blagues auprès de l’orchestre avec lesquelles il se met à dos une partie du jury, tandis que son physique agréable et son côté showman fonctionne à plein auprès du public, qui lui desservira son prix en fin de soirée, malgré sa répétition complexe de Mort et Transfiguration. Jesko Sirvend conclut l’épreuve avec comme la veille plus de maîtrise technique et beaucoup plus de tranquillité que les autres participants, serein pour souvent amuser des musiciens avec lesquels il a déjà travaillé par le passé. Cependant et encore plus que la veille, on en vient à se demander ce que ce chef fait là, et s’il parvient à rendre la pièce de Svetlanov avec une vrai grandeur en lorgnant vers son caractère russe, plutôt que vers ses pastiches espagnols, ainsi qu’à très bien gérer la pièce de Koering, il convainc beaucoup moins dans la Symphonie n° 2 de Schumann. Il faut dire pour sa défense que l’orchestre commence à être très fatigué, mais malgré tout, l’ouvrage germanique peine à décoller, et cela lui coûtera sans doute le 1er Prix du concours.

    Prix

    Après quatre jours devant l’exemplaire Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo -p orté par le premier violon, violoncelle et la clarinette solo – et après quarante-cinq minutes de délibération, le jury revient pour annoncer rapidement à travers son président, Pinchas Steinberg, qu’il n’y a pour cette édition comme pour la précédente toujours pas de 1er Prix, mais seulement deux seconds prix, remis à Henri Christofer Aavik et Jesko Sirvend. Étonnamment il n’y a pas non plus de 3ème prix et seulement deux Diplômes de finale pour les deux autres participants, Euan Shields et Ilya Ram.
    Le Prix de l’Orchestre est remis à Jesko Sirvend, qui sera donc invité à venir diriger l’orchestre pour un concert officiel lors d’une prochaine saison, et le Prix du Public déjà évoqué à Ilya Ram.


    Passé la surprise, on apprendra par la suite pourquoi de tels résultats ont eu lieu : selon le jury et selon les lignes de la présidente (non-votante), le niveau d’excellence recherché pour lancer un 1er prix dans une grande carrière internationale n’était pas tout à fait retrouvé chez les participants, malgré le niveau global très élevé. Un prix spécial, le Coup de Cœur de l’orchestre, est toutefois ajouté en pleine soirée et remis à Harish Shankar, sans doute l’artiste de la demi-finale que nous aurions également souhaité voir en finale.

    En cinq éditions, c’est donc la quatrième fois que le Concours International de Chefs d’Orchestre Evgeny Svetlanov ne remet pas de 1er Prix, le seul artiste l’ayant reçu en vingt ans étant le letton Andris Poga.

    Crédit Photographiques : © Concours Svetlanov / Svetlanov Competition 2022

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