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Voyage vers l’inconnu avec Bruno Ducol

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Paris ; Auditorium de Radio France 31-V-2022. Bruno Ducol (né en 1949) : Le navire aux voiles mauves, action dramatique en deux tableaux et 16 scènes sur un texte de Gilbert Lascault ; Pauline Leroy, mezzo-soprano ; Ronan Nédélec, baryton ; chœur des collèges Janson de Sailly et Lamartine (Paris) ; élèves du lycées Racine (Paris) et chœur du lycée Les Pierres vives (Carrière-sur-Seine) ; Chœur virtuel : Amandine Trenc et la chanteuse Camille ; direction, Victor Jacob

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Entre opéra et théâtre musical, oratorio et action dramatique, Le Navire aux voiles mauves de est avant tout une odyssée sonore dans le sillage des aventures d'Ulysse et ses compagnons. Elle réunit sur le plateau deux chanteurs solistes et quelques quatre-vingts enfants et adolescents, chanteurs et instrumentistes, sous la direction de .

C'est le projet d'une année de travail avec les élèves de deux collèges et deux lycées des Académies de Paris et Versailles, encadrés par leur professeur de musique. Le projet d'envergure a été soutenu par Radio France via la plateforme « VOX, ma chorale interactive », et sa référente pédagogique Marie-Noëlle Maerten.

Depuis 2012, date de la création de l'ouvrage à la MPAA, a partiellement remanié sa partition, bénéficiant ce soir, dans l'espace de l'Auditorium de Radio France, d'une mise en espace : ainsi cette conque marine (un gros coquillage mis en résonance par le corniste) entendue dans les rangs du public au moment de larguer les amarres. L'ensemble instrumental, cordes et vents, est au centre du plateau, piano et clavecin à jardin et le set de percussions à cour. a fait placer au milieu des jeunes chanteurs, tous en pull marin et positionnés en demi cercle, une imposante grosse caisse qui rentre plusieurs fois en vibration, au fil de ce voyage plein d'embûches. L'écrivain et poète Gilbert Lascault en a conçu le livret, sorte d'Odyssée moderne sur fond d'écologie, où la référence aux guerres et autres tremblements de terre prend une résonance fort actuelle.

À la barre, vaillants et pieds marin, les deux solistes, la mezzo-soprano (présente à la création de l'ouvrage) et le baryton font vivre le récit, assumant les exigences d'une partition ciselée, entre lyrisme généreux et voix parlée. Le chœur d'enfants est comme la houle marine, toujours en mouvement, avec ses chants de moussaillon très alertes et sa capacité à répercuter et amplifier les voix solistes, reprenant avec eux ces fléchissements-glissandi de la ligne mélodique où se reconnaît la griffe du compositeur. L'espace se démultiplie et acquiert de la profondeur avec l'électronique, une partie de sons fixés qui entretient l'ambiguïté des sources, entre réel et virtuel. S'entend à plusieurs reprises, à travers les haut-parleurs, le timbre envoûtant d' (soprano colorature) et la voix fantasque et légèrement traitée de la chanteuse Camille investissant des sphères lumineuses et oniriques. C'est elle qui apparaît également sur l'écran, dans les première et dernière scènes, prêtant son visage au jeu de la vidéo de Lorenzo Brondett. D'autres images passent au-dessus de nos têtes, celles des personnages mythologiques peints sur les céramiques grecques et de superbes vidéos de volcans en activité : bouillonnement de l'Etna, éruption du Krakatau et autres rumeurs du Piton de la Fournaise qui embrasent l'espace, avec déclenchement de la machine à fumée et solo percussif du piano très résonnant.

Si la prestation vocale du chœur est exemplaire, la jeunesse ne fait pas que chanter. Bruno Ducol lui confie une importante partie de percussions corporelles, pouvant évoquer certaines danses amazoniennes ou balinaises de caractère rituel, confie-t-il. Notons également la présence et l'élégance d'une danseuse évoluant sur le bord de scène autour d'un cercle de « marins » agitant ses voiles et l'incarnation scénique de différents personnages, la belle Sapho, accompagnée du clavecin et du tuba solo, qui tremble et s'évanouit sous nos yeux ; celle du guetteur et autres marins ligotant Ulysse (alias ) pour l'empêcher de succomber aux chants des sirènes.

La participation est active et le geste toujours sollicité au sein du groupe de chanteurs superbement préparé, au côté d'un ensemble instrumental en parfaite synergie. Quittant parfois le podium pour les besoins scéniques, sait se faire discret mais n'en est pas moins efficace, menant son équipage, chanteurs et instrumentistes, avec autant de souplesse que d'humanité.

Crédit photographique : © Annie Durney

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