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Johan Inger, un chorégraphe idéal pour le Ballet de Stuttgart

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Stuttgart. Opernhaus. 15-IV-2022. Pure Bliss, trois chorégraphies de Johan Inger.
Bliss. Décor Johan Inger ; musique : Keith Jarrett. Avec Elisa Badenes, Adhonay Soares da Silva, Angelina Zuccarini…
Out of Breath. Décor et costumes : Mylla Ek ; musique : Jacob Ter Veldhuis, Félix Lajkó. Avec Angelina Zuccarini, Mackenzie Brown, Vittoria Girelli, Flemming Puthenpurayil, Alessandro Giaquinto, Fabio Adorisio.
Aurora’s Nap. Costumes : Salvador Mateu Andujar ; décor : Salvador Mateu Andujar, Johan Inger, Fabiana Piccioli ; musique : Piotr Ilitch Tchaikovski. Avec Mackenzie Brown (Aurora) ; David Moore (Prince Désiré) ; Agnes Su (Fée des Lilas) ; Anna Osadcenko (Carabosse) ; Veronika Verterich (Reine) ; Matteo Crockard-Villa (Roi) ; Clemens Frölich, Adhonay Soares da Silva, Christian Pforr, Henrik Erikson (Princes) ; Mizuki Amemyia (contes de Perrault)…

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Autour de la reprise d'une belle réussite, Inger présente toutes les facettes de son art en une seule soirée donnée par le Ballet de Stuttgart.


Des images paradisiaques inspirées par Keith Jarrett dans Bliss à la parodie de ballet classique d'Aurora's Nap, la soirée que le Ballet de Stuttgart consacre à tient bien la promesse de son titre d'ensemble, Pure Bliss – sauf qu'entre ces deux pièces, la troupe reprend Out of Breath, pièce créée pour le NDT 2 et entrée au répertoire en 2019, et cette pièce-ci, placée au centre du spectacle, donne une vision beaucoup plus sombre de l'œuvre du chorégraphe. Six danseurs seulement, et une émotion aussi forte que lors de cette entrée au répertoire : la force des questionnements individuelles, y compris mais non limités aux identités de genre, fait de cette pièce un joyau moderne au répertoire du ballet de Stuttgart, et il ne devrait pas être difficile, à l'avenir, de la combiner avec d'autres pièces du répertoire pour des soirées passionnantes (l'Opus 1 de Cranko sur la musique de Webern, peut-être ?).

Bliss met en danse la première partie du célèbre Köln Concert de Keith Jarrett, y compris les moments où le pianiste chantonne ou s'exclame. Inger y dessine sur la scène presque nue, surmontée d'un astre et constellée d'étoiles, la vision d'un paradis. La pièce mobilise seize danseurs, sans différences hiérarchiques très visibles – pour cette représentation du Vendredi saint marquée par de nombreux débuts, la Première soliste reprend le rôle dansé pour d'autres dates par Vittoria Girelli, membre du corps de ballet… qui n'en est pas moins présente pour un autre rôle. Tous sont vêtus de costumes de tous les jours, colorés et simples, mais ce paradis n'est pas une version optimisée de notre monde : c'est l'absence, l'épure qui frappe ici, dans ce paysage lunaire où les corps semblent exister non pas les uns avec les autres, mais les uns à côté des autres. Il y a bien sûr des interactions, des imitations, des dialogues, mais ils n'ont pas la force des attachements humains, comme si la libération des affections humaines était la clef de ce paradis. La musique de Jarrett a une légèreté, parfois une joie qui rend attachantes les gestuelles individuelles des danseurs, mais on se prend à lire par moments un questionnement face à un tel bonheur apparent reposant uniquement sur le détachement.

La parodie et ses limites


La dernière pièce du programme est aussi la plus longue, et, disons-le franchement, la moins originale de la soirée, malgré le plaisir visible des interprètes. Comme son titre l'indique, Aurora's Nap est une parodie de la Belle au bois dormant classique, telle que les danseurs de Stuttgart la dansent dans la version de Marcia Haydée, cette saison encore. Il vaut mieux connaître la chorégraphie d'origine pour goûter le remix devenu fou de l'Adage à la Rose ou les errements des fées dans leurs variations respectives ; le soliste masculin, lui, prend dans sa variation introspective les poses de l'héroïne de La Dame aux camélias de Neumeier.

Mais une bonne partie de la pièce est tout public, lorsque les parents d'Aurore se disputent le bébé Aurore jusqu'à jongler avec le poupon, ou les apparitions intempestives des personnages de Contes de Perrault (Chat botté, Chaperon rouge et Oiseau bleu réunis en une seule danseuse, ici Mizuki Amemyia). Le plus amusant en même temps que pertinent pour ce genre parodique est l'usage de la pantomime : aussi bien la Fée Lilas que Carabosse s'en servent abondamment, mais leurs interlocuteurs, hélas, n'y comprennent rien, si bien qu'elles doivent se résoudre à mettre par écrit ou à mimer ce qu'elles ont à dire. L'exercice est plaisant, mais on attendrait un peu plus de profondeur du genre parodique, face à cette forme artistique si merveilleuse et si problématique qu'est le ballet classique.

La pièce mobilise une bonne partie de la troupe de Stuttgart, à tous les échelons, mais donne l'impression de ne pas laisser beaucoup de marge interprétative à chacun des interprètes ; même si cette dernière pièce ne va guère au-delà du divertissement, elle rappelle une chose importante : le répertoire contemporain destiné à des interprètes classiques est cent fois plus intéressant quand il prend en compte les qualités propres à leur formation et à leur expérience artistique ; quand il ne le fait pas, comme bien souvent à l'Opéra de Paris, il ne fait que s'abîmer dans l'imitation de troupes faites pour ça.

Crédits photographiques ©

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Aurora’s Nap. Costumes : Salvador Mateu Andujar ; décor : Salvador Mateu Andujar, Johan Inger, Fabiana Piccioli ; musique : Piotr Ilitch Tchaikovski. Avec Mackenzie Brown (Aurora) ; David Moore (Prince Désiré) ; Agnes Su (Fée des Lilas) ; Anna Osadcenko (Carabosse) ; Veronika Verterich (Reine) ; Matteo Crockard-Villa (Roi) ; Clemens Frölich, Adhonay Soares da Silva, Christian Pforr, Henrik Erikson (Princes) ; Mizuki Amemyia (contes de Perrault)…

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