La fougue d’Aziz Shokhakimov avec l’Orchestre National de France
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Paris. Maison de la Radio et de la Musique, Auditorium. 14-IV-2022. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Capriccio espagnol, suite pour orchestre, op. 34. Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano et orchestre en sol majeur. Cédric Tiberghien. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n°4 en fa majeur, op.36. Orchestre National de France, direction : Aziz Shokhakimov
En invitant Aziz Shokhakimov pour un programme franco-russe, l'Orchestre National de France retrouve une ferveur et surtout un son russe plus entendu depuis plusieurs années, en plus d'accompagner l'excellente prestation pianistique de Cédric Tiberghien pour le Concerto en sol de Ravel.
Aziz Shokhakimov a tout juste trente-quatre ans, mais le jeune chef ouzbek a déjà de nombreuses expériences derrière lui, sans compter à présent la direction de l'Orchestre Philharmonique de Strasbourg depuis ce début de saison. C'est donc en pleine confiance mais sans la moindre arrogance qu'il entre souriant sur la scène d'un Auditorium de Radio France bien rempli. Et dès la première seconde, il surdynamise par son geste l'Orchestre National de France, remarquable immédiatement par ses sonorités russes pour le Capriccio espagnol de Nikolaï Rimski-Korsakov.
Outre ces timbres slaves, dont se démarque la splendide prestation de la première violon, Sarah Nemtanu, les couleurs ibériques ressortent de l'ensemble grâce à la prestation survoltée du chef. En véritable matador, celui-ci fouette et conduit l'orchestre exactement où il le veut, tant dans l'Alborada initiale que dans celle médiane ou le Fandango asturiano final. Une telle dynamique pourrait dénaturer le Concerto pour piano en sol de Ravel joué ensuite, mais on reconnait les grands chefs à leurs qualités d'accompagnateur, et c'est un Shokhakimov beaucoup plus mesuré qui s'accorde au doigté fin de Cédric Tiberghien pour l'ouvrage français.
Un petit claquement sec lance l'Allegramente, ensuite porté par le pianiste, puis par les nombreux soli impeccables des musiciens, le cor anglais de Laurent Decker, le basson de Marie Boissard et surtout la trompette de Rémi Joussemet, déjà remarquable au capriccio et seulement pris en défaut au finale de la symphonie. L'adagio assai met encore plus en avant la dimension de Tiberghien, émouvant sans rechercher à trop développer le pathos, tandis que le Presto conclusif redonne du corps à l'ensemble, notamment aux cors et à la petite harmonie, tout en remettant à l'honneur le basson solo. Après des applaudissements nourris, un bis s'intègre parfaitement au programme, puisque le pianiste rappelle qu'il a été créé en 1904 des mains mêmes de Ravel. D'un cahier d'esquisses de Debussy met alors en exergue le geste souple en même temps que plus intellectuel de Tiberghien, l'un des artistes actuels les plus intéressants pour ce répertoire.
En seconde partie de soirée, l'Orchestre National de France revient pour un ouvrage russe, une Symphonie n°4 de Tchaïkovski finalement assez rarement programmée en France ces dernières années, surtout par les chefs internationaux qui généralement lui préfèrent toujours la célèbre Pathétique ou la n°5. Elle revient ici avec de magnifiques tonalités slaves, bien mises en valeur par le chef et qui rappellent les grands soirs de l'orchestre français avec Evgeny Svetlanov ou Neeme Järvi les décennies passées. L'Andante sostenuto pris d'un tempo relativement rapide permet de montrer toute la palette du chef, parfois très calme et en retrait, puis très énergique à chaque tutti ou accelerandi, preuve que ses gestes ne sont jamais destinés à impressionner le public, mais bien faits pour exalter les musiciens.
D'attaques franches en rythmes dansés, la symphonie se développe avec des cordes concentrées et une magnifique petite harmonie – la clarinette et la flûte solo – vers l'Andantino, puis vers le Scherzo, Pizzicato ostinato, dont les cordes seules en pizz tiennent la majeure partie, seulement rehaussées un instant par les bois puis par les cuivres. Shokhakimov marque une petite pause avant le Finale, relancé avec la même fougue et les mêmes couleurs, d'une énergie et d'une vivacité à réentendre dès que possible lors de ses prochains concerts, pourquoi pas dès le 28 avril dans un programme intégralement français à Strasbourg !
Crédits Photographiques : © ResMusica/RF
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Paris. Maison de la Radio et de la Musique, Auditorium. 14-IV-2022. Nikolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Capriccio espagnol, suite pour orchestre, op. 34. Maurice Ravel (1875-1937) : Concerto pour piano et orchestre en sol majeur. Cédric Tiberghien. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Symphonie n°4 en fa majeur, op.36. Orchestre National de France, direction : Aziz Shokhakimov