OUI #3 de Régine Chopinot à l’amphi Bastille : faire société

Régine Chopinot présente, dans le cadre d'une résidence à l'Académie de l'Opéra de Paris, le fruit d'un travail avec des personnes en situation d'exil, en apprentissage de la langue française ou en situation de précarité. La chorégraphe, livre avec OUI #3 un objet scénique hybride, entre la représentation et l'exercice de style.

Les vingt-quatre interprètes de OUI #3, dont font partie trois danseurs et un batteur professionnels, sont allongés à l'avant-scène, serrés les uns contre les autres, la tête vers le public, les pieds tournés vers le fond de scène. Habillés de blanc, ils sont à la fois la prolongation du public et interprètes en devenir. Les danseurs se mettent lentement en mouvement pour retrouver une position verticale. S'enchaînent des exercices bien connus des amateurs de danse contemporaine, alliant travail du rythme, occupation de l'espace, prise en compte de l'autre et écoute du corps. Des figures de groupe évoquent des tableaux Renaissance, le son permet le mouvement, la danse s'installe dans la contrainte et s'offre des moments d'improvisation, sources de liberté bienvenue. Ils marchent, ils tournent, s'emparant des mouvements primitifs de la danse, qu'ils soient chorégraphiés ou l'expression instinctive du corps.

Ce travail chorégraphique laisse voir des situations d'inclusion et d'exclusion : être dans le groupe ou non, inclure le public ou non. Sur des rythmes donnés par le batteur Vincent Kreyder, les figures de style s'enchaînent, à l'écoute des sonorités et des individualités.

Il y a deux manières de montrer des amateurs sur scène : dépouiller la représentation de toute quête chorégraphique ou bien essayer au contraire de « faire danse ». Régine Chopinot a sans conteste choisi la deuxième option. Jusqu'où danser ? Jusqu'où s'engager ? Que laisser voir ? C'est une fragilité qui s'expose à l'amphithéâtre Bastille, des moments de laisser-aller. Dans OUI #3, le mouvement s'inscrit comme catalyseur de l'intime.

Régine Chopinot invite le public à danser sur scène à l'issue de la représentation, comme elle l'avait fait pour le très réussi et très rythmé top à la MC93 – Bobigny et comme nous l'avions vu à Chaillot pour Kamuyot de Ohad Naharin par la Compagnie Grenade – Josette Baïz. Exercice difficile, tant fête et théâtre s'excluent le plus souvent. Ici, porté par la généreuse mise en danger des interprètes, le public laisse éclater sa joie dans un instant de partage, juste dénouement de cette heure fragile et audacieuse.

Crédits photographiques © Studio J'adore ce que vous faites ! ONP