Claudia Chan aux Bouffes du Nord : une exploration sonore jubilatoire du piano contemporain
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Paris. Théâtre des Bouffes du Nord. 9-III-2022. Karlheinz Stockhausen (1928-2007) : Klavierstück IX ; Klavierstück XI. Salvatore Sciarrino (né en 1947) : Deuxième sonate pour piano, Simone Cardini (né en 1986) : Restare non ha luogo. Huihui Cheng (1985) : Messenger, pour piano-costume. Claudia Chan, piano
Au théâtre des Bouffes du Nord, la pianiste Claudia Chan nous a offert un moment de grâce dans un bref concert mêlant œuvres majeures de la seconde moitié du XXᵉ siècle et découvertes de jeunes compositeurs.
Les 13 et 14 mars derniers, le théâtre des Bouffes du Nord a hébergé le festival Pianos Pianos organisé par la bibliothèque musicale La Grange-Fleuret, ancienne médiathèque musicale Gustav Mahler. Le but de ce festival est de mettre en valeur les partitions conservées en son sein, et, pour cela, quoi de mieux en effet que de les jouer en concert. Le théâtre des Bouffes du Nord offre un écrin idéal au récital, le public ayant une proximité rare avec l'interprète.
La pianiste Claudia Chan propose une exploration des possibilités sonores du piano à travers quatre œuvres des XXᵉ et XXIᵉ siècles, dont deux Klavierstücke de Stockhausen. Est-ce l'acoustique de la salle ou l'usage de la pédale, le Klavierstück IX a d'étonnantes couleurs debussystes, celle d'un Debussy passé à la moulinette sérielle. Œuvre maîtresse du compositeur de Kürten, le Klavierstück XI est un des exemples phares d'œuvre ouverte à l'instar de la Troisième sonate pour piano de Boulez. Les choix opérés par Claudia Chan permettent un enchaînement fluide des dix-neufs séquences donnant ainsi une grande homogénéité à l'œuvre. La Deuxième sonate pour piano de Sciarrino est comme une rêverie dans un brouillard, rêverie interrompue par des éclats d'orages qui viennent s'immiscer dans le halo sonore. Deux œuvres de jeunes compositeurs viennent compléter harmonieusement le programme. Dans Restare non ha luogo, Simone Cardini explore la perception proche et lointaine du son et s'intègre parfaitement dans la filiation des deux maîtres du XXᵉ siècle. La pièce la plus originale vient clore le concert. Il s'agit de Messenger, pour piano-costume de Huihui Cheng, œuvre créée au Festival de Royaumont en 2017. Pour cette pièce pour piano préparé, la pianiste revêt une sorte de harnais constitué d'une multitude de fils reliés au piano. Ainsi les fils frottent les cordes et les perles qui accrochées aux fils viennent frapper ces dernières. Le piano se fait tour à tour guitare, harpe, mandoline, violoncelle, tambour… Le clavier, recouvert d'un tissu noir, est par contre le seul élément de l'instrument jamais utilisé. L'originalité du dispositif et l'effet visuel contribuent grandement à la réussite de cette pièce étonnante.
Claudia Chan interprète toutes ces œuvres avec une grande maîtrise et une agilité impressionnante captivant les spectateurs. Les deux jeunes compositeurs, Simone Cardin et Huihui Cheng, viennent également saluer à la fin du concert et sont applaudis comme il se doit. Il est dommage que le public, bien que très attentif et enthousiaste, soit aussi clairsemé pour ce concert aussi original que réussi.
Crédit photographique : © Fondation Royaumont
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