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Marc Mauillon et Judith Chemla sont Pelléas et Mélisande à Montpellier

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Montpellier. Opéra Comédie. 9-III-2022. Claude Debussy (1862-1918) : Pelléas et Mélisande, opéra en 5 actes sur un livret de Maurice Maeterlinck. Mise en scène : Benjamin Lazar. Décors : Adeline Caron. Costumes : Alain Blanchot. Lumières : Mael Iger. Avec : Marc Mauillon, Pelléas ; Judith Chemla, Mélisande ; Allen Boxer, Golaud ; Vincent Le Texier, Arkel ; Elodie Méchain, Geneviève ; Julie Mathevet, Yniold ; Laurent Sérou, un Médecin, un Berger. Chœur (chef de chœur : Noëlle Gény) et Orchestre national Montpellier Occitanie, direction : Kirill Karabits

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La France accueille enfin le Pelléas de que la mise en scène de avait révélé à Malmö en 2016. L'Opéra de Montpellier a eu la piquante idée de le faire tomber amoureux de .

Jeanne Moreau, Isabelle Adjani, Jeanne Balibar, Sandrine Kiberlain, Mélanie Laurent…Quand l'envie de chanter taraude une actrice de cinéma, c'est généralement pour un disque de chansons. Le cas de est bien différent : la comédienne (César 2017 de la meilleure actrice) vise carrément le pré carré de l'opéra. Une Traviata, déjà mise en scène par , avait intrigué (Traviata, vous méritez un meilleur avenir) mais il ne s'agissait pas d'une intégrale de l'œuvre la plus populaire de Verdi. Il en va tout autrement cette fois avec les presque trois heures de Pelléas et Mélisande que de nombreuses productions ont définitivement libéré de la blague de Richard Strauss : « C'est très beau, il n'y a plus qu'à composer la musique. » L'opéra unique (en son genre aussi) de Debussy, au chant si proche de la parole, que son auteur voulait confier à une femme-enfant, offre une héroïne providentielle à la merveilleuse actrice. Le suspense est bien sûr à son comble jusqu'à la seconde précédant « Ne me touchez pas. » Trois heures plus loin, après que cette Mélisande inédite s'est effectivement « jetée à l'eau », « J'ai pitié d'elle » scelle la certitude que le nouveau pari de l'Opéra de Montpellier s'est avéré payant. aura dessiné la ligne claire d'un portrait de Mélisande en tous points crédible, en termes d'articulation comme de projection. Gracile et gracieuse, Judith Chemla réalise le rêve du compositeur qui, la veille de la première de 1902, supplia ses interprètes d'oublier qu'ils étaient des chanteurs lyriques. Judith Chemla est une vraie diseuse, dont le statut cinématographique aurait tort de « faire écran » à celui de la chanteuse. Judith Chemla est une Mélisande que l'on aura plaisir à retrouver.

Six ans après sa prise de rôle à Malmö (DVD Bel Air classiques), confirme à Montpellier qu'il est Pelléas. Dès « Grand-père, j'ai reçu en même temps que la lettre de mon frère » il s'impose dans la galerie des interprètes majeurs du rôle. La noblesse confondante de naturel de son timbre de baryténor règle définitivement la problématique identitaire d'une partie écartelée entre deux tessitures. Accompagné du fantôme omniprésent de Camille Maurane, enchaîne en vrai gourmet les phrases-mystères de Maeterlinck d'un opéra sans airs mais qui de l'aveu de Debussy, « n'est que mélodie », avec, par rapport au DVD, une puissance solaire qu'on n'attendait pas forcément ailleurs qu'aux moments les plus dramatiques. Très attentif à ne pas oublier d'entraîner dans son sillage les débuts émus d'une partenaire avec laquelle il compose un juvénile couple de rêve, Marc Mauillon ne déméritera pas davantage lorsqu'il s'agira avec elle d'affronter le grand climax de l'ultime scène du IV. Marc Mauillon est un très grand Pelléas.

Est-ce pour être à la hauteur d'un tel éclat vocal que (gros succès à l'applaudimètre) gonfle le trait d'Arkel ? D'une noirceur prenante sur l'inaugural « Je n'en dis rien », la voilure vocale enfle progressivement jusqu'à un dernier tableau dont elle n'est pas loin de déséquilibrer la délicate enluminure. Un péché mignon que contourne l'Américain dans son interprétation d'un Golaud très attachant, dont la prononciation, en phase avec l'idiomatisme vocal d'une équipe entièrement française, s'accompagne d'une intériorité assez rare dans le rôle. , à laquelle la mise en scène donne d'emblée une grande visibilité, reprend son Yniold de Malmö, bien chantant et même crédible pour ceux qui préfèrent un vrai garçon dans le rôle. lit la redoutable lettre de Geneviève avec une grande douceur. situe en retrait son berger comme son médecin, le stratégique « Ce n'est pas de cette petite blessure qu'elle peut mourir » manquant un brin d'assise. obtient de belles couleurs d'un (magnifique étirement vers la splendeur des cuivres du dernier interlude de l'Acte IV) qu'on aurait cependant attendu plus claquant à la fin du III comme du IV.

fait arriver Golaud en voiture comme Christophe Honoré à Lyon en 2015. La comparaison s'arrête là. Alors qu'il suggère assez finement dans sa note d'intention que Mélisande pourrait être une version féminine de l'Ange du Théorème de Pasolini, Benjamin Lazar préfère ne mettre en scène que la première phrase de l'opéra, et ne peut pas davantage sortir de la forêt du livret que les habitants du château en lambeaux d'Allemonde dont il installe le mobilier (baies vitrées, lit, prie-dieu) entre les fûts malades de résineux obturant la lumière céleste. À jardin, l'univers d'Yniold : voiture à pédale, bateau, costumes de théâtre… Belle idée : Pelléas et Mélisande joueront là, comme « des enfants, quels enfants », la scène de la tour. Pas plus que le Pelléas marin d'Eric Ruf, impuissant à transcender le décor unique de sa base navale abandonnée, le Pelléas végétal de Benjamin Lazar, malgré de légères modifications scénographiques après l'entracte (la végétation l'a emporté, un arbre s'est couché pour servir d'oreiller à une Mélisande crucifiée dans les herbes) ne peut échapper au prosaïque (terrasse et escalier naviguant péniblement entre coulisse et plateau). Les costumes seventies (imprimés, pulls jacquard et cols pelle à tarte), pas toujours seyants, ont le mérite d'un dépaysement « sans affectation d'ailleurs ». Le jeu d'orgues, qui aurait pu jouer à l'infini dans les frondaisons, reste sous-employé. Heureusement la sublime scène finale, d'une beauté désarmante, une des plus originales qu'on ait vues, qui montre Mélisande en nouvelle Ophélie engloutie à vue par la végétation, vient tempérer la probité d'un spectacle, contrairement à la vision Lavelli à Paris jadis ou Mitchell à Aix naguère, jusque là trop avare de chocs esthétiques.

Crédits photographiques: © Marc Ginot

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