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Remplaçant Valery Gergiev, Timur Zanguiev joue la Dame de Pique gagnante à la Scala

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Milan. Teatro alla Scala. 5-III-2022. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : La Dame de pique (1890) opéra en trois actes sur un livret de Modeste Tchaïkovski d’après Pouchkine. Mise en scène : Matthias Hartmann. Décors : Volker Hintermeier. Costumes : Malte Lübben. Lumières : Mathias Märker. Avec : Najmiddin Mavlyanov, Hermann ; Julia Gertseva, La Comtesse ; Asmik Grigorian, Lisa ; Roman Burdenko, Tomsky ; Alexey Markov, Yeletsky ; Elena Maximova, Polina ; Alexei Botnarciuc, Surin ; Evgeny Akimov, Chekalinsky ; Maria Nazarova, Masha ; Olga Savova, La Gouvernante ; Olga Synyakova, Milovzor ; Sergei Radchenko, Chaplitsky ; Matias Moncada, Narumov. Coro del Teatro alla Scala. Orchestra del Teatro alla Scala, direction : Timur Zanguiev

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Victime de sa proximité avec Vladimir Poutine, Valery Gergiev est désormais persona non grata sur les scènes européennes, contraint de céder sa place à pour cette Dame de pique de Tchaïkovski, mise en scène par . Une nouvelle production qui restera dans les mémoires pour de multiples raisons…

Que la politique s'invite à l'opéra par le biais de la mise en scène est désormais chose admise, mais que l'opéra affiche ses opinions politiques en « censurant » certains individus « mal pensants », voilà qui est nouveau et pose le difficile et douloureux problème des rapports entre art et politique.

Sans entrer dans ce houleux débat, le remplacement au pied levé d'un chef défaillant est une façon non exceptionnelle de rentrer dans la carrière, aussi tous nos vœux accompagnent ils le jeune chef russe qui a accepté dans ces conditions difficiles, mais après avoir dirigé les répétitions, de reprendre le flambeau. Âgé de 28 ans, élève de Gennadi Rozhdestvensky au Conservatoire de Moscou, son activité de chef d'orchestre se limite pour l'instant aux grandes institutions russes qui lui ont permis d'accéder au double répertoire lyrique et symphonique à Moscou ou Saint-Pétersbourg. Sa discographie encore réduite se borne à un enregistrement remarqué de Sadko de Rimski-Korsakov.

Le livret de La Dame de Pique inspiré de la nouvelle fantastique éponyme de Pouchkine nous conte le destin tragique d'un jeune soldat, Hermann, à la recherche d'une martingale de trois cartes susceptible de lui apporter la fortune tant espérée : une quête hallucinée et obsessionnelle dans laquelle il perdra l'amour, la raison et la vie. Tout un parcours chaotique et psychologiquement « border-line » entrelaçant délire et addiction, amour et cupidité, que décline d'une manière très lisible en quatre tableaux : un espace noir abstrait où se dressent quatre blocs volumineux et oppressants, éclairés par des néons aveuglants qui figurent métaphoriquement le poids du destin pesant sur les personnages ; une salle de bal style XVIIIᵉ siècle, comme un flash-back, avec costumes en rapport ; une chambre cossue, celle de la Comtesse ; une salle de jeu dans un mess d'officiers où s'achèvera le drame. Les beaux costumes de Malte Lübben., les éclairages de Mathias Märker et les décors de Volker Hintermeier participent de cette lecture pertinente, respectueuse du livret, avec des moments très réussis théâtralement comme le suicide de Lisa dans la Neva ou l'apparition fantomatique de la Comtesse venue confier à Hermann le secret de la martingale tant désirée. La direction d'acteur est efficace, seule la chorégraphie un peu longuette et d'un goût incertain de Paul Blackman apporte une légère ombre au tableau au mitan de l'acte II.

La distribution vocale est d'une remarquable homogénéité. Dans le rôle d'Hermann, , ténor soliste du Mariinsky, confirme ses affinités vocales et scéniques pour un personnage déjà interprété sur de nombreuses scènes. Le timbre est un peu mat, la vocalité facile et puissante malgré une certaine rigidité de la ligne. n'en est pas non plus à sa première Lisa à laquelle son chant irréprochable confère beaucoup de passion et d'émotion. Son duo avec Pauline (Elena Maximova, magnifique contralto aux sublimes pianissimi) est un moment d'une exquise douceur qui suspend le temps. en Tomsky impressionne par son baryton puissant bien projeté et son aisance scénique, véritablement habité entre chant et déclamation dans sa ballade du I comme dans son grand air du IV. La Comtesse de nous gratifie d'un air de Grétry (tiré de Richard Cœur de Lion) inoubliable par sa théâtralité poignante, soutenue par un souffle sans fin sur un tempo très lent. en Yeletsky est assurément une pièce maitresse de cette distribution par la douceur, la noblesse, l'élégance et l'émotion de son baryton au legato caressant. Les rôles secondaires : Alexei Botnarciuc (Surin), Evgeny Akimov (Chekalinsky), Mattias Moncada (Naroumov) de l'académie de la Scala, Olga Savova (La Gouvernante) et Maria Nazarova (Masha), sans oublier l'excellent chœur de la Scala complètent cette valeureuse distribution.

Dans la fosse, joue une carte gagnante face à l'excellente phalange milanaise par l'assurance, la justesse et la maitrise de sa direction en symbiose totale avec les chanteurs et la dramaturgie : des débuts périlleux mais prometteurs, à suivre au delà de cette nouvelle production, au demeurant très réussie….

Crédit photographique : © Brescia / Amisano – Teatro alla scala

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Milan. Teatro alla Scala. 5-III-2022. Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : La Dame de pique (1890) opéra en trois actes sur un livret de Modeste Tchaïkovski d’après Pouchkine. Mise en scène : Matthias Hartmann. Décors : Volker Hintermeier. Costumes : Malte Lübben. Lumières : Mathias Märker. Avec : Najmiddin Mavlyanov, Hermann ; Julia Gertseva, La Comtesse ; Asmik Grigorian, Lisa ; Roman Burdenko, Tomsky ; Alexey Markov, Yeletsky ; Elena Maximova, Polina ; Alexei Botnarciuc, Surin ; Evgeny Akimov, Chekalinsky ; Maria Nazarova, Masha ; Olga Savova, La Gouvernante ; Olga Synyakova, Milovzor ; Sergei Radchenko, Chaplitsky ; Matias Moncada, Narumov. Coro del Teatro alla Scala. Orchestra del Teatro alla Scala, direction : Timur Zanguiev

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