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Rouen. Théâtre des Arts. 25-II-2022. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Iphigénie en Tauride, tragédie lyrique en 4 actes sur un livret de Nicolas-François Guillard d’après la tragédie de Claude Guimond de la Touche adaptée d’Euripide. Mise en scène : Robert Carsen reprise par Christophe Gayral. Chorégraphie : Philippe Giraudeau. Décors et costumes : Tobias Hoheisel. Lumières : Robert Carsen, Peter van Praet. Avec : Hélène Carpentier, Iphigénie ; Jerome Boutillier, Oreste ; Ben Bliss, Pylade ; Pierre-Yves Pruvot, Thoas ; Iryna Kyshliaruk, Diane ; Sophie Boyer, femme grecque. Chœur Accentus. Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction : Christophe Rousset
La reprise d'Iphigénie en Tauride de Gluck à l'Opéra de Rouen Normandie, dans la mise en scène désormais classique de Robert Carsen, procure à la soprano Hélène Carpentier et au baryton Jérôme Boutillier deux prises de rôle remarquées.
Jamais deux sans trois : au jeu des chaises musicales, c'est finalement la soprano Hélène Carpentier qui remporte le rôle-titre après les défections successives de Karine Deshayes et Véronique Gens. Une aubaine pour la jeune chanteuse, qui la met d'emblée dans la trace des plus grandes, de Callas à Crespin, en même temps qu'une nouvelle étape qui conforte l'Opéra de Rouen dans sa politique – ô combien méritoire ! – de découverte et de soutien des jeunes talents en devenir.
Créée outre atlantique en 2006 (Lyric Opera of Chicago), plébiscitée depuis sur de nombreuses scènes internationales, notamment à Paris en 2019 au TCE, cette mise en scène de Robert Carsen, dont la pertinence justifie la longévité, place la tragédie des Atrides dans un cadre épuré en forme d'espace mental, un quadrilatère métaphorique qui s'adapte parfaitement à l'univers fataliste, aux visions d'horreur et aux profondeurs psychologiques de la tragédie antique : la scénographie et les costumes, uniformément noirs ; un cube oppressant, où se joue le drame dans toute sa pureté, sur les murs duquel disparaitront progressivement le nom des Atrides tracés à la craie pour laisser Iphigénie seule face au sacrifice d'Oreste, un poignard à la main ; des lumières superbement travaillées supportant un jeu d'ombres chinoises particulièrement explicite comme le poignard suspendu au-dessus de la tête d'Oreste ; des chorégraphies qui font corps avec la dramaturgie (simulacre de sacrifice lors de l'Ouverture, reptations menaçantes des Erinyes autour d'Oreste). Tous ces éléments sont regroupés dans une lecture qui frappe par son économie de moyens, sa sagacité et sa charge émotionnelle intense.
Dans la fosse, Christophe Rousset est à son affaire à la tête d'un Orchestre de l'Opéra de Rouen Normandie très impliqué, qui exalte la dramaturgie par un phrasé tout en relief, et maintient un parfait équilibre avec les chanteurs.
La distribution vocale fait appel pour l'essentiel à de jeunes chanteurs. Issue du CNSMD de Paris, auréolée du Premier Prix du concours « Voix Nouvelles » et arrivée au pied levé il y a une semaine dans cette production, la soprano Hélène Carpentier dans le rôle-titre séduit par sa prestation scénique et vocale malgré un chant dont la ligne et la diction paraissent quelque peu entachés par un vibrato assez mal contenu dans les forte – impression sans doute majorée par la résonance induite par la scénographie close. Le baryton Jérôme Boutillier confirme la bonne impression de son récent Hamlet à l'Opéra de Saint-Étienne. Comme déjà signalé, l'investissement physique est d'importance, la ligne est noble et claire, le timbre conquérant et la diction sans faille. Face à lui, le Pylade de Ben Bliss constitue indiscutablement la pièce maitresse de ce casting, éblouissant par la beauté son timbre, par son legato sublime, par la souplesse de la ligne comme par sa diction irréprochable, nous gratifiant d'un des plus émouvants : « Unis dès la plus tendre enfance » jamais entendus. Par son baryton profond, Pierre-Yves Pruvot campe un Thoas aussi noir que violent. Iryna Kyshliaruk, en voix off, donne à la déesse Diane toute l'élégante autorité et la compassion nécessaires, tandis que Sophie Boyer prête sa jolie voix à la Première Prêtresse. Le chœur Accentus /Opéra de Rouen-Normandie, spatialisé pour l'occasion, s'avère tout du long un partenaire de haute tenue.
Crédit photographique : © Marion Kerno / Albatros
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Rouen. Théâtre des Arts. 25-II-2022. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Iphigénie en Tauride, tragédie lyrique en 4 actes sur un livret de Nicolas-François Guillard d’après la tragédie de Claude Guimond de la Touche adaptée d’Euripide. Mise en scène : Robert Carsen reprise par Christophe Gayral. Chorégraphie : Philippe Giraudeau. Décors et costumes : Tobias Hoheisel. Lumières : Robert Carsen, Peter van Praet. Avec : Hélène Carpentier, Iphigénie ; Jerome Boutillier, Oreste ; Ben Bliss, Pylade ; Pierre-Yves Pruvot, Thoas ; Iryna Kyshliaruk, Diane ; Sophie Boyer, femme grecque. Chœur Accentus. Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie, direction : Christophe Rousset